L’implication sociale de la charité
L’implication sociale de la charité est une exigence de la socialité de l’homme. Le pape Benoît XVI l’exprime bien dans l’exhortation apostolique post synodale AfricaeMunus sur l’Engagement de l’Afrique : « Aucune société, même développée, ne peut se passer du service fraternel animé par l’amour» 1 . Dans ce sens, c’est toute la pastorale sociale qui a besoin d’être mue par la charité. Comme nous le rappelions au mois de septembre,recourant à Jean-Marie Aubert :
on définira la place de la charité par rapport aux autres vertus par lafinalité supérieurevers laquelle elle
les élève et par la motion efficace qu’elle leur procure. La charité doit donc être conçue essentiellement
comme le moteur et la fin de la vie morale, car seule elle procure aux actes humains leur bonté
fondamentale (simpliciter) du fait qu’elle seule les meut et les oriente vers leur fin ultime . 2
L’enjeu d’une vie sociale à la grandeur de la dignité de l’homme se perçoit et s’actualise dans et grâce à la charité en tant que finalité supérieure et motion efficace de l’action humaine. La charité est finalité supérieure, en tant qu’elle libère de toute forme de fermeture sur soi pour ouvrir à la relation au prochain et à la Transcendance. Elle est finalité supérieure, car elle fait dépasser les frontières de l’ego pour enrichir par la circularité des dons et talents en fraternité humaine. En conséquence, le vivre-ensemble en société devient une opportunité d’enrichissement mutuel. On peut se rendre des services et on peut collaborer dans la solidarité et la subsidiarité.
La charité aide à une motion efficace, car elle fonde dans l’être ce qui est construit et l’on n’édifie pas en vain. Car, « si je n’ai pas l’amour, comme précise Saint Paul, je ne suis rien » (1Co 13, 1…). Elle commence dans le respect de la justice et déborde les cadres de la justice. Le pape Benoît XVI en exprime la dialectique quand il affirme : « la justice est la première voie de la charité (…) D’autre part, la charité dépasse la justice et la complète dans la logique du don et du pardon » .
La vérité de la charité ne se perçoit réellement que dans l’engagement social, à travers une mise en œuvre de sa vie à la quête du bien commun. En conséquence, la vérité de notre charité fait en sorte que :
Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et
de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples
du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. .2
C’est aussi la charité dans sa vérité qui engage l’Eglise sur les chemins de la mission. Le mois d’octobre est d’ailleurs dédié à la mission de façon spéciale avec la fête de Sainte Thérèse de Lisieuxqui l’inaugure. C’est bien significatif que Thérèse qui est désignée comme Patronne des missions ait fondé particulièrement sa vie sur l’amour. Dans sa recherche elle est parvenue à la conclusion suivante :
La Charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l’Eglise avait un corps, composé de
différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que
l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brulant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les
membres de l’Eglise, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Evangile, les
Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que
l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… En un mot, qu’il est éternel ! …
Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je
l’ai trouvée, MAVOCATION, C’ESTL’AMOUR !… Oui j’ai trouvé ma place dans l’Eglise et cette place, ô
mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’AMOUR…
ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé ! .5
Le raccourci pour vivre d’une pastorale d’engagement social dont la fécondité soit certaine consiste à tout faire par amour, par charité. L’implication sociale du chrétien donne alors toute sa mesure dans l’agir pétri par la charité. Les principes de la pensée sociale de l’Eglise retrouvent en effet dans la charité leur cœur, leur moteur ainsi que leur finalité.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - BENOIT XVI, Exhortation Apostolique Post synodale AfricaeMunus, n°29.
2 - AUBERT, J-M., Abrégé de la morale catholique, Editions Desclée, Paris 1987, 200.
3 - BENOIT XVI, Lettre Encyclique Caritas in Veritate, n°6§2 : AAS, 101, 2009, 644.
4 - CONCILE OECUMENIQUE VATICAN II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n°1 : AAS58, 1966, n°15, 1025.
5- THERESE DE JESUS, Manuscrits B, 2v-3v. Cf. http://www.carmel.asso.fr/Dans-le-coeur-de-l-Eglise-je-serai.html (Consulté le 23 août 2017).