Lire les signes des temps
La présence à soi qu’implique le bien commun entraine à vivre le réalisme de la vie, non seulement en sortant de l’indifférence, mais aussi en s’appliquant à décoder les signes qu’émet la vie sociale pour savoir être présent par son engagement à la vie de son peuple, de sa nation. Lire les signes des temps, c’est accueillir l’émergence éthique dont nous laisse le message l’élection présidentielle.
Le premier défi est celui de la présence réelle à soi et à la vie de sa nation, conscient que :
« la personne ne peut pas trouver sa propre réalisation uniquement en elle-même, c'est-à-dire
indépendamment de son être « avec » et pour les autres » .1
Vivre de la conscience de cette connexion ou conjonction de la vie personnelle et sociale est ce qui sauve l’individu autant que la société aujourd’hui. Le leurre (ou la méprise) pour l’individu, c’est de croire ou de vouloir se sauver isolément, en oubliant égoïstement tout le reste, or « tout est lié ».
L’individu, séparé de la société, même bien enveloppé dans sa tour d’ivoire sécurisée et pourvu de tout et du superflu, peut bien faire l’expérience du malaise de vivre s’il vit une pauvreté au plan relationnel, et surtout s’il perd de vue la relation à la Transcendance. Le Cardinal Angelo Comastri en présente un exemple dans un opuscule pastoral, Educhiamo i figli (Eduquons les enfants) :
« Une jeune fille est trouvée morte dans une toilette d’une station de Rome. Elle a laissé un testament
que chaque parent et chaque éducateur devrait longuement et sérieusement méditer. La jeune fille, se
référant à ses parents, a écrit des mots d’une implacable lucidité :
« Je reconnais que vous m’avez aimée, mais vous n’avez pas été capables de me faire du bien. Vous
m’avez tout donné, et même le superflu, mais vous ne m’avez pas donné l’indispensable : vous ne
m’avez pas indiqué un idéal pour lequel il valait la peine de vivre ! C’est pour cela que j’ai décidé de
m’ôter la vie ! Pardonnez-moi, mais je n’ai pas d’autre choix » .2
Un tel exemple, au-delà de l’illustration dramatique qu’elle est de la réalité, montre comment il importe d’éduquer aux valeurs qui élèvent notre humanité et à la vie relationnelle au sens plénier. On sait alors conséquemment mettre l’accent sur la relation aux autres, à qui l’on sait s’adresser en cas de besoin et la relation à Dieu, Principe et fin de toute chose.
Un second défi que nous pourrions souligner ici, en lien avec le bien commun est le défi éthique. L’élection présidentielle que nous avons passée en cette année 2016 peut en être l’exemple.
On a appris et on a sans doute expérimenté combien l’argent-roi a davantage plus convaincu que la beauté et la pertinence des projets de société. Certains ont sans doute fait leur option, non en conscience, mais convaincus par le plus offrant. Avons-nous été capables de vendre notre nation pour des intérêts immédiats ou avons-nous pu transcender ces intérêts pour viser ce qui sauvegarde le bien commun ? Dans cette interrogation se place précisément le défi éthique. Qu’est-ce qui nous meut ? Sont-ce nos intérêts (si légitimes soient-ils) ou la visée d’un meilleur cadre pour chacun et pour tous ?
S’ouvrir au bien commun aujourd’hui, nous place devant la capacité à cerner notre lien intrinsèque à la société et la possibilité d’œuvrer pour un cadre éthique pour la vie nationale. Percevoir et vivre cela, c’est savoir cueillir les signes des temps pour ouvrir notre vie personnelle et sociale à des lendemains meilleurs.
La victoire du Christ sur la mort que célèbre le mystère pascal nous confirme qu’il y a des valeurs pour lesquelles il vaut la peine d’être en mesure de donner sa vie : tout ce qui nous lie fondamentalement à la foi en Dieu et donc à la foi en l’homme, image et ressemblance de Dieu.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO