Pour ce qui est de la dimension éthique de la subsidiarité, retenons que le principe de subsidiarité indique avant tout qu’au centre de la structure sociale, il y a l’homme, personne, c'est-à-dire, substance individuelle de nature rationnelle, comme l’exprime Boèce, mais aussi, être autonome et relationnel. La socialité même de l’homme indique une recherche d’accomplissement de soi à travers le réseau de relations auquel l’homme lui-même est intégré, en tant qu’être de culture. La dimension éthique est expérimentée dans la mesure où à travers la manière d’assumer ses devoirs, l’homme recherche fondamentalement son bonheur, et ne peut se dispenser de l’orientation vers le bien, un bien pour soi et pour la société. La subsidiarité offre aux personnes de se sentir intégrées à un ensemble et de se voir aussi utiles, pour autant que faire se peut, à l’ensemble. Cette dimension éthique dans la responsabilité de soi qu’elle implique, tout en limitant l’autorité de l’Etat, ne l’affaiblit pas, mais la renforce et l’organise dans sa spécificité de savoir réagir rationnellement dans la potentialisation de l’autonomie des personnes, des groupes ou des corps intermédiaires.
La dimension juridique du principe de subsidiarité est à cerner dans le devoir de chacun d’être à une tâche spécifique au niveau où il se trouve dans le corps social entendu, non dans une acception fonctionnaliste mais dans une acception personnaliste. Cette recherche d’attribution à chacun de ce qui lui revient de par sa fonction et de droit est l’aspect juridique que met en exergue la subsidiarité. Ce sens de « donner à chacun d’assumer ce qui lui revient dans sa nature » est ce que souligne la justice distributive, et que le concept de subsidiarité donne de percevoir. Il y a donc une obligation de la société envers ses membres en vertu de son organisation suivant le principe de subsidiarité. La dimension juridique fondant aussi le fait que chaque personne est « sujet de droit » postule également l’accueil du pluralisme fondé sur la dignité de chaque personne ou des institutions qui la portent.Et il y a enfin, comme annoncé plus haut,
la dimension historique ou transitoire de la subsidiarité : s’il est du devoir de l’Etat de savoir intervenir dans les situations sociales en faveur des individus ou des classes intermédiaires, il faut savoir intervenir ponctuellement et efficacement ; d’où la caractéristique historique ou transitoire que nous attribuons à la réalité de la subsidiarité. Jean-Paul II, dans CentesimusAnnus,pour marquer le centième anniversaire de la question sociale par l’Eglise,précise : « l’Etat (…) peut remplir des fonctions de suppléance dans des situations exceptionnelles, lorsque des groupes sociaux ou des ensembles d’entreprises trop faibles ou en cours de construction ne sont pas à la hauteur de leur tâches. Ces interventions de suppléance que justifie l’urgence d’agir pour le bien commun, doivent être limitées par le temps, autant que possible, pour ne pas enlever de manière stable à ces groupes ou à ces entreprises les compétences qui leur appartiennent et pour ne pas étendre à l’excès le cadre de l’action de l’Etat, en portant atteinte à la liberté économique ou civile »2 . C’est alors fondamentalement l’aspect exceptionnel de la situation considérée qui justifie l’intervention d’une structure centrale ou de l’Etat.
Ce sont là quelques implications et dimensions du principe de subsidiarité dont la richesse, comme philosophie sociale, valorise fondamentalement la personne.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO