Réduire les inégalités
Etre conscient du bien commun engage à travailler à la réduction des inégalités sociales. En effet, il n’est pas normal que, dans un monde « de surdéveloppement où consommation et gaspillage vont de pair », pour reprendre les mots du pape Benoît XVI 1 , continuent à se développer « des situations permanentes de misère déshumanisante »2 . En cela le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise est clair quand il exprime que : « le bien commun engage tous les membres de la société : aucun n’est exempté à collaborer, selon ses propres capacités, à la réalisation et au développement de ce bien »3 .
L’égalité souhaitée est d’abord en termes de droit et devoir de participation selon ses « propres capacités » (comme dit le Compendium). Il ne s’agit pas d’égalitarisme, au sens de réduction de tous au même. Il est plutôt question de valorisation de chacun selon ses aptitudes réelles et dans la reconnaissance et la célébration de la dignité fondamentale de tout homme. C’est en cela que le principe du bien commun sous-tend que tous ont aussi le droit de bénéficier des conditions sociales qui résultent de sa recherche en termes d’acquis résultant d’une ambiance ou atmosphère générale provenant de la collaboration de chacun, au niveau où il se trouve dans la chaîne sociale. Le Pape Pie XI le dit en des termes bien expressifs :
« Il importe donc d’attribuer à chacun ce qui lui revient et de ramener aux exigences du bien commun ou aux normes de la justice sociale la distribution des ressources de ce monde, dont le flagrant contraste entre la poignée de riches et la multitude d’indigents atteste de nos jours, aux yeux de l’homme de cœur, les graves dérèglements. » 4
Ce plaidoyer à réduire les inégalités, loin d’être un encouragement de la paresse ou de la fainéantise, est une invitation d’abord à la participation à un contexte favorable pour tous et à une redistribution assez juste des revenus, au point où l’écart entre riches et pauvres ne devienne pas un scandale et une poussée à la révolte. Les pères de l’Eglise ont des mots d’une éloquence et verve uniques à ce sujet :
« Et toi, qui enveloppes tous tes biens dans les plis d'une insatiable avarice, tu penses ne faire de tort à personne en dépouillant tant de malheureux ? Qui est donc l'avare ? Celui qui ne se contente pas de ce qui suffit. Qui est le spoliateur ? Celui qui enlève les biens de chacun. Et n'es-tu pas un avare ? Tu n'es pas un spoliateur, toi qui, des biens dont tu as reçu la gestion, fais ton bien propre ? Celui qui dépouille un homme de ses vêtements aura nom de pillard ; et celui qui ne vêt pas la nudité du malheureux, alors qu'il peut le faire, est-il digne d'un autre nom ?
A l'affamé appartient le pain que tu gardes, à l'homme nu le manteau que tu conserves dans tes coffres, au va-nu-pieds la chaussure qui pourrit chez toi, au besogneux l'argent que tu conserves enfoui. Ainsi tu commets autant
d'injustices qu'il y a de gens à qui tu pouvais donner. » 5
Voilà un discours qui, bien qu’il remonte au IVème siècle conserve un réalisme et une actualité qui font réfléchir sur la réalité des inégalités sociales. La solution pour réduire les inégalités sociales est, au-delà de la réelle participation à solliciter de tous, une ouverture du cœur aux dimensions de l’amour dans la vérité. Et l’amour dans la vérité nous porte à un esprit de partage qui sauvegarde le bien commun.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO