Vivre d’une foi incarnée, c’est aussi prendre soin de l’environnement
La science de la vie aujourd’hui : un lieu d’espoirs tenus ?
Nous vivons dans un vingt et unième siècle marqué par de nombreuses découvertes dans les sciences liées à la vie. Ces découvertes concernent plusieurs domaines : la communication, les transports, l’environnement et la santé. Nous nous focaliserons sur les questions relatives spécifiquement à la vie humaine dans diverses phases et situations de son évolution. Le traité de bioéthique d’Emmanuel et François HIRSCH en son IVème volume met spécifiquement en exergue, comme matière de science centrée sur l’homme, les Big Data, la génomique, les neurosciences, la connectique, la médecine personnalisée, le transhumanisme, les nanotechnologies, la procréatique, la robotique et l’intelligence artificielle. Aussi, considérant le progrès assez remarquable de la médecine, observe-t-on globalement non seulement une meilleure connaissance de l’homme mais également une amélioration de l’espérance de vie. La maîtrise et plus précisément le séquençage du génome humain a rendu possible une meilleure connaissance de l’homme. De là émergent des visées parfois utilitaristes, eugénistes ou fatalistes dans le mode d’action sur le génome ou les manipulations génétiques.
Les possibilités qu’autorise l’état des découvertes en sciences de la vie sont évidentes avec, entre autres, la réalité du clonage, une technique complexe qui consiste à copier génétiquement un être à partir d’une cellule de ce dernier. Comme en témoigne le dossier de la bibliothèque numérique de l’UNESCO,
Wilmut 1 a personnellement expliqué au Congrès des Etats-Unis d’Amérique que le clonage d'un mammifère comportait un fort taux d'échec, puisque sur ses 277 embryons « reconstitués », 29 seulement avaient été implantés dans des brebis et un seul s'était développé avec succès. Il a conclu que « des expériences similaires avec des humains seraient totalement inacceptables ». Le taux d'échec élevé (plus de 90%) et une forte mortalité du clone animal indiquent clairement que ces expériences ne peuvent pas être appliquées aux humains. D'autre part, les animaux clonés semblent souffrir d'un taux élevé de malformations et d'infirmités. Dolly elle-même a fini par être euthanasiée en 2003, à l'âge de six ans et demi seulement, alors que de nombreux moutons vivent plus de dix ans 2.
Si dans le monde végétal ou animal cette pratique pourrait offrir des opportunités de sauvegarder des espèces rares, elle pose de réels problèmes quand il s’agit de l’homme. Car l’homme est un être doté d’une dignité intrinsèque. L’UNESCO et même les Nations Unies s’accordent pour stipuler clairement que «des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction d'êtres humains, ne doivent pas être permises » 3.
On se souvient du cas retentissant qu’a été celui d’Emma4 aux Etats Unis. Emma est un embryon congelé le 14 Octobre 1992 et décongelé 25 ans plus tard. Elle naît le 13 mars 2017 de Tina la mère porteuse. Tina Gibson étant née elle-même en 1991, elle ironise : « nous aurions pu être meilleures amies ». Et pourtant nous sommes bel et bien dans une relation mère-fille. Les questionnements sur cette pratique du clonage sont les suivants : pour quelles raisons pourrait-on autoriser ou interdire la reproduction d'enfants par clonage ? Devrait-on utiliser le clonage pour les couples stériles ou les couples homosexuels qui veulent une descendance biologique ? De quelle manière un enfant mis au monde par reproduction asexuée ressentirait-il la vie ? Comme un individu unique ou comme un « prisonnier » génétique ? Un enfant cloné n'est-il qu'un jumeau de son donneur génétique, avec un décalage dans le temps ? Les parents devraient-ils choisir les caractéristiques d'un futur enfant, comme c'est possible avec le clonage ? Ces questions et d'autres du même ordre préoccupent aujourd'hui les scientifiques et les bioéthiciens qui voient dans les procédures du clonage une mise en danger potentielle de l'identité humaine.
Et pourtant, bien des scientifiques ont fondé un grand espoir sur la science. On pense à Henri Poincaré qui en 1910 écrivait qu’il ne peut pas y avoir une science immorale car « selon lui la morale est en quelque sorte consubstantielle à la science. La connaissance issue de la science est le fruit d’une œuvre collective, d’une entreprise solidaire, au service de l’humanité et ne peut donc être immorale »5 . Cette foi en la science est bien exprimée par lui en des termes devenus historiques: « Nous sentons que nous travaillons pour l’humanité, et l’humanité nous est chère ». C’est là une vue de la science “pure”, lui assignant aussi une vocation morale.
En pensant aux progrès en sciences de la vie, on rêve de voir que des maladies comme le sida, l’Alzheimer et le cancer soient conjurées. Les progrès en génétique, en biologie et biotechnologie, les neurosciences, les nanotechnologies, le nucléaire et les OGM, les possibilités de diagnostic prénatal et le transhumanisme6 témoignent des divers champs que la science de la vie embrasse de nos jours.
Le fait de l’avancée dans la connaissance du génome humain a permis de le lire, d’en comprendre la réalité pour pouvoir le modifier à son profit. A ce sujet, en effet, il est techniquement possible d’ « améliorer» le génome. En dehors de la méthode classique fondée sur l’observation, l’hypothèse, l’expérimentation et la déduction que nous avons héritée de Claude Bernard, s’est ouvert un champ de recherche où la compilation est faite à partir de l’analyse des données massives (Big Data). S’il y a des aspects bien stimulants de ces nouveautés scientifiques, cela ne reste pas sans poser des problèmes éthiques. En considérant surtout les opportunités d’exploitation mercantile ou idéologiques de ces éléments techniques, le débat de l’intégrité des pratiques et le jeu des intérêts
rendent la question complexe. Tout cela explique et justifie, par-delà les espoirs fondés sur la science, la défiance et la méfiance qu’on exprime à son encontre. On craint en effet :
-L’instrumentalisation ou la manipulation de l’information
-L’aspect réservé du raisonnement médical
-La tendance à incriminer le risque de la part de la société.
Mais si les ambitions de la science sont grandes et même nobles, tout ce qu’elle propose est-il nécessairement profitable pour la vie ?
1 - Ian Wilmut (né le 7 juillet 1944), est un embryologiste britannique qui dirige actuellement le centre de médecine régénérativedu Medical Research Council (Conseil de la recherche médicale) à l'Université d'Édimbourg. Il est surtout connu en tant que chef de groupe de recherche qui en 1996 clona le premier mammifère à partir d'une cellule somatique adulte, une brebis nommée Dolly.
2 - Cf. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000135928_free (consulté le 24 mars 2019)
3 - Cf. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000135928_free dans la préface de Koïchiro Matsuura Directeur général de l'UNESCO (consulté le 24 mars 2019)
4 - https://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/une-fillette-nait-d-un-embryon-congele-pendant-24-ans-aux-etats-unis-un-record_119368
5 - SLD Emmanuel HIRSCH et François HIRSCH, Les nouveaux territoires de la bioéthique, Traité de bioéthique IV Préface de Pierre CORVOL, Editions Erès Toulouse 2018, 15.
6 - Le transhumanisme est un mouvement intellectuel qui promeut l’amélioration de la condition humaine à travers les nouvelles technologies pour parvenir à une humanité augmentée, tant au niveau de ses performances physiques, intellectuelles qu’émotionnelles (Le Dévédec, 2015)