Le panier des besoins alimentaires (PBE) peut être tout simplement dit le « panier mensuel des ménages » par ce qu’il s’applique à mettre principalement en lumière trois aspects de la vie sociale : la politique de statistique et de planification sociale (le coût réel de la vie), la politique économique (l’autosuffisance alimentaire et les salaires) et la politique sociale (les prises de consciences de certaines formes d’injustice et les liens de solidarité et de créativité à consolider). Pour une meilleure appréciation de cet outil dont fait l’objet le présent rapport qui se veut incitatif, nous allons suivre le plan ci-après : l’aperçu global du concept, la dissémination du concept, les perspectives pour sa mise en route effective. Il s’agit pour nous de faire l’état de la question après l’atelier du 21 au 24 septembre 2007 qui s’est tenu à Cotonou sur le PBE.
I. Aperçu global du concept
Initié par le Centre Jésuite pour la Réflexion Théologique (JCTR) basé en Zambie, le Panier des Besoins Elémentaires (PBE) est une enquête mensuelle qui examine de manière précise le coût minimum de vie d’une famille de six membres (le nombre varie selon le cas) ; le coût de base des denrées alimentaires et non alimentaires dont a besoin une famille de classe moyenne pour vivre décemment et de manière saine. Il s’agit réellement d’un minimum, excluant les dépenses journalières additionnelles telles que l’éducation, le transport, les soins de santé et l’habillement.
En effet, le PBE est un important :
. ZOOM sur la situation socioéconomique dans les lieux choisis à travers le pays de référence.POINT CULMINANT du fossé qui existe entre le coût de la vie et le revenu type des familles ordinaires.
. BUT que nous devons viser lorsque nous travaillons dans le sens d’une société juste et digne.
. INSTRUMENT à utiliser quand on préconise le changement, la justice, un meilleur salaire, une politique juste ou tout simplement une existence digne.
. GUIDE pour une meilleure gestion du budget de tous les ménages.
Du reste, le PBE est important pour chacun et pour tous - ménagère, employeurs et employés, les communautés, les groupes d’Eglise, les syndicats, le secteur public et privé, les ONG et le gouvernement - pour comprendre dans quelle mesure le coût de la vie dans un pays affecte tous ses citoyens.
En outre, pour la hiérarchie ecclésiale, le PBE peut aider à :
. la THÉMATIQUE des homélies, des réunions et entretiens reliant la foi aux réalités de la vie présente.
. être un INSTRUMENT qui interpelle la hiérarchie afin qu’elle accorde une attention particulière à la situation sociale de ses employés et aussi de tous les pauvres, dans une recherche de l’amélioration de la qualité du travail et des revenus mensuels.
. être un VECTEUR DE TRANSMISSION qui permettra de communiquer la clef des valeurs de l’enseignement social de l’Eglise, spécialement celle selon laquelle tous les êtres humains sont dotés d’une dignité innée qu’il faut respecter.
. être un MIROIR servant à refléter au plan interne le témoignage ecclésial de justice envers les siens et les démunis.
. être une EXIGENCE pour travailler dans le sens de l’autosuffisance et comprendre les difficultés rencontrées par les personnes.
. être un GUIDE pour aider les clercs et les religieux à ne pas gaspiller mais à développer le sens de la budgétisation et de la rationalisation de leurs dépenses et leur train de vie.
. être un APPEL à tous les ménages, surtout les plus nantis, à avoir une ligne budgétaire conséquente, à un changement général de comportement (composer et dialoguer avec tout le ménage, ne pas aller inutilement s’installer dans un bistrot, ne pas entretenir des maîtresses, etc.), à ne pas subir la tyrannie de leurs enfants en matière de besoins et à faire l’effort d’abord de se contenter de leur paie, ensuite de trouver des voies et moyens non corrompus pour augmenter si possible leur revenus mensuels.
. être un DEFI face aux attitudes contre-productives concernant le planning familial, les prêts, les durs travaux, l’agriculture, le VIH/SIDA, l’éducation et le genre.
. être un POINT D’ENTREE permettant d’aborder le dialogue avec des groupes spécifiques : la jeunesse, les femmes, les veuves, les ONG et d’autres Eglises, pour ensemble œuvrer dans le sens du progrès.
. être une SOURCE D’INSPIRATION qui instaure la rigueur pour préconiser et exercer des pressions afin de remédier à l’anomie générale qui favorise les injustices et conséquemment la pauvreté.
En définitive, le PBE est un des vecteurs efficaces de vulgarisation de la doctrine sociale de l’Église ; il aide à introduire et consolider les citoyens dans leur devoir de responsabilité et leur droit de participation au bien commun. Le PBE soutient donc la marche continue vers le mieux-être de l’homme et de tout l’homme, vers l’humanisme intégral.
II. Dissémination du concept
C’est pour expérimenter cet important outil que le Département Justice, Paix et Bonne Gouvernance du Symposium des Conférences Episcopales Afrique et Madagascar (SCEAM) a initié des temps de formation et d’appropriation du concept à travers l’Afrique.
Ainsi, du 21 au 24 Septembre 2007, après la formation des acteurs de la zone anglophone réunis à Accra au Ghana, s’est tenu au Centre de Recherche et de Formation « Le Chant d’Oiseau » à Cotonou au Bénin, un atelier sous-régional de formation sur le « Panier des Besoins Elémentaires » (PBE) pour l’Afrique de l’Ouest francophone. Cet atelier a été co-organisé par le SCEAM et l’Institut des Artisans de Justice et de Paix (IAJP). Les travaux n’ont pu se tenir sans la facilitation du Centre Jésuite de Réflexion Théologique (JCTR).
Les 27 participants venus des sept pays de l’Afrique de l’Ouest francophone (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo et le SCEAM), ont pris une part active aux différents travaux de cet atelier. Notons que la formation s’est déroulée en deux grandes approches :
- Approche théorique pour découvrir, comprendre et se familiariser avec le concept.
- Approche pratique pour la phase expérimentale qui s’est faite dans le plus grand marché de la ville de Cotonou et du Bénin, le marché Dantokpa.
Au terme de cette formation, il était convenu que chaque pays représenté devrait entreprendre la phase opérationnelle une fois dans sa base. Mais à l’évidence, cette étape n’a pas été véritablement observée à divers niveaux.
III. Perspectives pour la mise en œuvre effective du PBE
Les différentes commissions et structures justice et paix en présence ont chacune en ce qui les concerne, des programmes d’activités bien ficelés qui n’offrent pas en permanence la possibilité d’incorporer des avenants. En effet, bien que le PBE ait été reconnu à juste titre comme un outil fort pour des plaidoyers et autres campagnes sociales, sa mise en œuvre suppose des ressources humaines et financières. En termes de perspectives, l’IAJP pourrait explorer les champs non exhaustifs ci-après :
Penser le PBE de sorte à savoir là où nous voulons aller (le but), ceux à quoi nous aspirons (les objectifs), comment allons-nous nous y prendre (la méthode de travail), en faisant quoi concrètement (les activités), avec qui (la ressource humaine : équipe de travail dûment montée et soumise à une feuille de route) et avec quels moyens (les ressources matérielle et financière qu’il conviendra de préciser et d’affecter selon des termes précis).
Un besoin pressant en personnel se fait sentir. Il n’est pas possible d’entreprendre une activité si prenante et si exigeante si au moins deux personnes, salariées, ne sont pas entièrement dévolues à cette tâche si exaltante et si prenante.
Définir dès le départ l’usage qui sera fait des ratios et autres indicateurs qui seront déterminés : Quels plaidoyers faire ? A l’endroit de qui faire les plaidoyers ? Y aura-t-il une association avec d’autres structures pour les plaidoyers ? Comment seront vulgarisés les ratios obtenus ?
Faire une remise à niveau pour l’appropriation et la maîtrise du PBE. La formation ayant été dispensée il y a bien longtemps, la remise à niveau est de nature à permettre aux différents acteurs d’être à nouveau aux fins des articulations du concept, tant du point de vue théorique que pratique. Des ressources humaines externes peuvent être associées pour appuyer ou dispenser la formation.
Développer un travail en synergie avec des compétences locales soit pour leur expertise en la matière, soit pour leur expertise en matière de nutrition. Ces appuis sont importants en ce sens ou ils permettront d’asseoir un véritable capital de connaissance pour une meilleure expérimentation du PBE.
S’appuyer sur le ReJPAO et sur les autres coordinations sous régionales justice et paix pour bénéficier de leurs expériences. Il est ici question de s’ouvrir pour être enrichi et par là même, enrichir les autres.