Vivre d’une foi incarnée, c’est aussi prendre soin de l’environnement
1ère partie : La foi, chemin d’humanité
Dans le Bénin et l’Afrique, si riches de foi, au point d’être caractérisés comme « poumon spirituel de l’humanité » pour reprendre ces expressions du pape Benoît XVI, au cours de sa dernière visite à notre terre, le Bénin, les situations de tous ordres auxquelles se confrontent la vie sociale interpellent par rapport au réalisme de notre foi. La foi, si elle ne devient pas comme « opium du peuple », lénifiant pour une sorte de fuite de responsabilité, elle est appelée à se faire fondamentalement chemin d’une humanité plus grande. Le chemin que chaque homme est appelé à faire est le chemin d’humanité dont a fait preuve le samaritain envers l’homme en route de Jérusalem à Jéricho comme le présente Saint Luc (Cf. Lc10, 25-37). Il est chemin de compassion agissante en faveur de l’homme en situation. N’est-ce pas aussi une invitation à une compassion agissante quand le musulman présente Dieu comme Allah le Miséricordieux ?
En contexte judéo-chrétien, nous revient en mémoire l’histoire de l’Exode où Yahvé lui-même est présenté sous ces traits d’une compassion agissante en faveur de son peuple : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter vers ce beau et vaste pays… Maintenant le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Egyptiens. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël » (Ex 3, 7-10). Si le Dieu Transcendant est capable d’une telle immanence, au point de voir l’homme en situation et de faire agir en sa faveur, l’indication est toute donnée de la vérité de la relation à la foi : la relation à la foi est une relation authentique, historique, portant à des actions et effets concrets pour l’homme dans la réalité.
Les conclusions des deux images ici exploitées : la parabole du bon samaritain et l’envoi de Moïse pour prendre les devants de la libération d’Israël montrent comment Dieu agit en faveur de l’homme. Il donne la perception juste de la situation où l’homme est en peine et suscite notre engagement dans la justice en faveur de l’homme. « Va, et toi aussi, fais de même » (Lc 10,37) ; ou encore « Maintenant donc, va ! ». L’humanité dont fait preuve l’homme de foi, est une humanité capable de compassion agissante. Elle n’est pas simple commisération, un pur pleurnichement sur le sort de l’autre. Elle est engagement authentique. Comme le présente un mystique Rhénan du XIVè siècle, et cela doit interpeller chaque homme de foi : « Notre Dieu n'a pas de mains...
Notre Dieu n'a pas de mains
il n'a que nos mains pour construire
le monde d'aujourd'hui.
Notre Dieu n'a pas de pieds
il n'a que nos pieds pour conduire
les hommes sur son chemin
Notre Dieu n'a pas de voix
il n'a que nos voix pour parler
de Lui aux hommes
Notre Dieu n'a pas de forces
il n'a que nos forces pour mettre
les hommes à ses côtés
Nous sommes la seule Bible
que les hommes lisent encore
Nous sommes la dernière parole de Dieu
l'Evangile qui s'écrit aujourd'hui
Toute cette compassion humaine agissante a besoin d’être exprimée dans un contexte de respect profond pour tout homme et de tout l’homme et dans un climat, non pas de conviction par la force, mais par l’authenticité de notre humanité fruit d’une foi vécue en vérité, car « Dieu ne s’impose pas, il se propose »1 . En dehors de l’humanité dont la foi est appelée à faire preuve, un autre défi auquel renvoie le vécu de la foi au Bénin et en Afrique est l’exigence de rationalité pour sa réelle incarnation.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - GOUDJINOU, C., Etre chrétien, une chance pour l’humanité, Editions du Chant d’Oiseau, Cotonou 2016, 76.