Du bien commun à la destination universelle des biens, un équilibre à tenir
Poursuivant notre marche dans l’approfondissement des principes de la Doctrine Sociale de l’Eglise, nous avons voulu passer du principe du bien commun exploré du point de vue de l’intrinsèque connexion de l’individuel et du communautaire à ce que l’on entend par destination universelle des biens. Le Compendium de la Doctrine Socialede l’Eglise en offre, entre autres, une approche définitionnelle bien saisissante :
« La destination universelle des biens comporte un effort commun visant à obtenir pour chaque personne et pour tous les peuples les conditions nécessaires au développement intégral, de sorte que tous puissent contribuer à la promotion d'un monde plus humain, « où chacun puisse donner et recevoir, et où le progrès des uns ne sera pas un obstacle au développement des autres, ni un prétexte à leur asservissement » 1 .
A travers cette définition, l’on perçoit le lien intrinsèque entre bien commun et destination universelle des biens. Car l’un et l’autre principe mettent l’accent sur comment l’individu et la communauté sont liés : le principe de destination universelle des biens se définissant comme effort visant à obtenirpour chaque personne et pour tous les peuples les conditions nécessaires au développement intégral.Tenir l’équilibre entre l’individuel et le communautaire demeure la façon réaliste et responsable de traiter de la destination universelle des biens et condition pour un ordre social juste.
La destination universelle des biens présuppose fondamentalement :
1. Que « le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l’usage commun » 2
C’est une manière de reconnaître que tout vient de Dieu, principe et fondement de toute chose, bien que l’homme vive dans un monde dont il peut s’engager à la transformation. C’est aussi une façon d’accueillir la vérité que l’homme vit dans un monde dont il n’est pas l’auteur ni le créateur. Cela consacre la seigneurie de Dieu sur toute chose et implique l’homme à gérer les biens de la terre dans cet esprit de reconnaissance à Dieu, origine de tout, en faisant usage des biens, tenant compte aussi de l’humanité entière. Car il y a un projet inscrit dans la création et cela se note à travers la manière dont tout est lié dans la biosphère et du point de vue de l’écosystème et dans une téléologie ou destination des choses à une fin.
2.La reconnaissance de la propriété privée,
comme « politique économique authentiquement sociale et démocratique et la garantie d’un ordre social juste » 3 . Le droit à la propriété est en effet un principe de responsabilité sociale qui encourage l’initiative et la créativité. Autrement, l’on tombe dans les dérives que l’on remarque dans les systèmes socialistes ou communistes, où le manque, la déclinaison de la responsabilité personnellefait sombrer dans un collectivisme paresseux où l’on profite des autres sans se préoccuper de ce que l’on peut apporter à l’édifice du bien commun.
La possession privée à une fonction sociale importante 4 . Elle exprimela légitimité de posséder, encourage la responsabilité et l’engagement à répondre à ce que l’on se sent comme vocation, et aide à ce titre à déployer les talents ou aptitudes personnelles pour l’épanouissement de soi. Maintenant l’équilibre entre la propriété privée et la destination universelle des biens, l’on sait alors dépasser tout individualisme stérile pour une destination universelle heureuse des biens, dans l’usage autant personnelqu’en esprit d’inclusion sociale que l’on en fait.
Penser à la destination universelle des biens, nous ouvre à la richesse que nous pouvons devenir les uns pour les autres, dans l’effort d’apporter notre contribution à la vie de chaque jour, à tout point de vue, et au bonheur d’hériter de l’altérité, un monde où la conscience que tout est lié ne nous rend pas indifférents à notre responsabilité individuelle et sociale à assumer. Il s’agit en définitive, comme l’exprime Saint Jean-Paul II, de :
« rompre les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement, assurer à tous les individus et à toutes les nations les conditions élémentaires qui permettent de participer au développement » 5 ,
en faisant profiter à tous des biens de la terre et du travail des générations qui ont su donner une heureuse transformation à la vie sociale, et ne faisant, à aucun moment, un usage exclusif (voire marginalisant pour d’autres) de la propriété privée.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO