Le travail, contribution de l’homme à l’œuvre de Dieu
A la source de la révélation, nous accueillons un sens de valeur ajoutée à la vie de travail, car le travail faisant de nous des coopérateurs et des co-créateurs avec Dieu, l’on ne saurait plus concevoir la société comme une simple addition des intérêts et préoccupations personnelles. Le cosmos qui est logique, ordre et organisation, est porté par une pensée où tout est tellement lié qu’entrer dans la logique de la vie de travail aussi nous fait entrer, si nous voulons tenir compte d’une authentique logique de la vie, (nous fait) entrer dans la culture de la solidarité et dans une vision centrée sur le devenir de l’homme pour Dieu.
Le fondement anthropologico-théologique sur lequel repose le travail humain, comme le présente la lettre encyclique sur le travail humain, LaboremExercens, est qu’« au début (ab initio) du travail humain, il y a le mystère de la création »1 (LaboremExercens 12, 3). L’œuvre toute entière de la création est d’ailleurs présentée comme un immense « travail » réalisé en « six jours »2 et tout aboutit au repos du « septième jour »3 . Le fait que Dieu demeure la référence indéniable du travail est à recevoir aussi dans la présentation du travail, en forme d’inclusion, de la Genèse à l’Apocalypse. L’Apocalypse exprime également en effet quant au « travail » par le Créateur : « Grandes et admirables sont tes œuvres, ô Seigneur Dieu tout-puissant »4 ; une autre manière de confirmer le refrain des jours de création de l’Exode : « Et Dieu vit que cela était bon »5 .
Une telle référence à l’origine comme le fait la Genèse renvoie à Dieu, qui, comme Créateur de toute chose est la référence fondamentale de la vie de travail. Avant donc d’être confié à l’homme, le travail est un bien, donc une réalité positive héritée de Dieu Lui-même. Aussi le terme commencement auquel renvoie l’œuvre de la création par l’auteur sacré est un commencement toujours actuel dans sa capacité de connaître son actualité avec chaque génération. Dieu recommence en quelque sorte la création avec chaque génération et il convient d’être suffisamment à l’écoute de Lui pour savoir vivre ce qu’on pourrait qualifier de « premier évangile du travail » (LaboremExercens 25, 3) avec Lui, c’est-à-dire, la poursuite de l’œuvre de la création avec Lui. La Genèse montre en effet :
en quoi consiste la dignité de l’homme : elle enseigne que, par son travail, l’homme doit imiter Dieu son Créateur, parce qu’il porte en soi – et il est le seul à le faire – l’élément particulier de ressemblance avec Lui .6
Imiter Dieu en travaillant, c’est faire du travail un bien et une opportunité de contribution au bien de l’homme. La dimension éthique de la vie de l’homme est donc engagée dans le travail. Cette utilité, ce sens de service et la dimension éthique du travail sont bien mis en exergue par Madeleine Delbrël :
Le travail, c’est de l’amour. C’est le plus simple, le plus constant, le plus réel des actes de la charité fraternelle. Le Christ n’a pas dédaigné de lui donner la plus grande part de sa vie. On perd ce sens de l’amour quand on fait du travail une servitude au lieu d’en faire un service. On ne peut pas travailler sans servir quelqu’un : celui qui extrait le charbon de la mine sert celui qui se chauffera ; L’employé de mairie qui rédige des dossiers du matin au soir sert ceux qui, grâce à ses papiers, recevront quelque argent ou quelque facilité ; Le vendeur du magasin sert celui qui veut acheter ; Le métallurgiste sert celui qui aura besoin d’une auto . 7
Aussi, la valeur du travail est non dans le type de travail que l’on fait, mais tient dans le fait que « celui qui l’exécute est une personne, un sujet libre et conscient, c’est-à-dire un sujet qui décide de lui-même »8 . Les divers secteurs d’activité où l’Eglise s’engage avec la société sont autant de lieux où elle est appelée à vivre et à faire vivre l’importance de chaque métier utile à la communauté humaine. La créativité déployée dans chaque travail devient occasion d’être comme la réalité de la compassion agissante de Dieu par l’homme qu’il associe en coopérateur à l’édification du monde.
La bonne nouvelle, le bien qu’est le travail pour nous tient aussi dans le fait que « celui qui étant Dieu est devenu en tout semblable à nous, a consacré la plus grande partie de sa vie sur terre au travail manuel, a son établi de charpentier »9 Ce faisant, Jésus annonce avec sa vie la bonne nouvelle, le bien qu’est le travail pour l’humanité. C’est la même bonne nouvelle qu’annonce l’Eglise quand elle sait s’engager dans tous les métiers d’homme par ses fils que nous sommes. Ainsi, face aux diverses situations où l’homme est en cause dans le monde contemporain, nous sommes interpellés, en tant que travailleurs chrétiens, à apporter la différence par le style don de soi et les compétences certaines au travail, pour apporter la différence. Cette différence vient de ce que nous qualifierons de dimension missionnaire du travail.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - JEAN-PAU II, Lettre Encyclique LaboremExercens 12, 3 : AAS 73, 1981, 607.
2 - Gn 2, 2. ; Ex 20, 8 -11 ; Dt 5, 12-14.
3 - Gn 2, 3.
4 - Ap. 15, 3.
5 - Gn. 1, 4. 10. 12. 18. 21. 25. 31. Le verset final utilise même le superlatif. Dieu vit que cela était « très bon ».
6 - JEAN-PAUL II, Lettre encyclique LaboremExercens 25, 3 : AAS 73, 1981, 639.
7 - DELBRÊL, M., La sainteté des gens ordinaires, Œuvres complètes (7ème tome), Ed. Nouvelle Cité, Paris 2009..
8 - JEAN-PAUL II, Lettre encyclique LaboremExercens 6, 3 : AAS 73, 1981, 590.
9 - JEAN-PAUL II, Lettre encyclique LaboremExercens 6, 4 : AAS 73, 1981, 590.