Fraternité Justice Travail en démocratie au Bénin
Le premier élément du trinôme est « fraternité », une valeur hautement éthique pour la vie sociale. Et la fraternité fait appel à l’amour. Benoît XVI en montre l’importance dans la vie sociale quand il met en exergue le fait qu’
aucune société, même développée, ne peut se passer du service fraternel animé par l’amour. « Celui qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de l’homme en tant qu’homme. Il y aura toujours de la souffrance, qui réclame consolation et aide. Il y aura toujours de la solitude. De même, il y aura toujours des situations de nécessité matérielle, pour lesquelles une aide est indispensable, dans le sens d’un amour concret pour le prochain .1
Mais le fondement sur lequel repose l’amour pour la fraternité est à trouver dans un milieu où la justice sociale est de mise. Retenons à ce propos qu’un niveau raisonnable de justice opère comme un ciment liant la vie sociale ensemble. C’est en effet très réconfortant de sentir généralement la loi comme réalité également appliquée à tous. D’ailleurs, en l’absence d’une justice minimale, la société peut être disloquée totalement, physiquement et moralement. La tâche à entreprendre, c’est donc d’identifier les paramètres sur lesquels on peut efficacement jouer pour progressivement éliminer les injustices quotidiennes, petites ou grandes. La justice consistera en l’atténuation des inégalités et en la promotion de la liberté responsable de chacun de choisir son mode de vie (Cf. Amartya Sen qui développe l’idée de l’égalité des opportunités et met en exergue les capabilities. Le fait est là qu’on ne fait pas confiance à un pouvoir qui promeut l’arbitraire, l’impunité, (voire la cruauté inutile) l’impartialité.
En ce sens, lorsque, par exemple la discrimination positive dure trop longtemps, elle peut bien se transformer en privilège et alimenter une culture politique de parrainage, de dépendance et de chantage. La solidarité ne doit donc pas se réaliser au détriment de l’équité et de la responsabilité.
Aussi, lorsque les minorités sont respectées, elles peuvent faire entendre leurs protestations et contribuer au titre de citoyens à part entière, sans complexe d’infériorité, ni recours à la violence.Mais il convient de faire attention : ce n’est pas en légiférant plus et en passant plus de lois que la société est établie dans la justice. Beaucoup dépend de la mise en œuvre concrète des lois.
Le travail, troisième élément de la devise de la république béninoise, quant à lui, est tout autant important en contexte démocratique, car il rend possible le vivre ensemble en tant que facteur grâce auquel la vie et les services sociaux sont possibles.
Notre nation désormais démocratique, où Fraternité – Justice – Travail sont la devise, est réalité grâce à une valeur comme l’amitié sociale. Car,
sans amitié, la pluralité (intrinsèque à toute démocratie) est guerre, l’unité despotisme et la confiance dans la pluralité seule ou dans l’unité seule, naïveté. Si la liberté ne se relativise pas à l’amitié, les débats institutionnels ne donnent jamais le choix qu’entre Charybde et Scylla . 2
Quand s’éveillent les hostilités dans une société démocratique, elles peuvent se situer à l’interne (ad intra), entre personnes ou groupes d’intérêts divergents au sein de la même réalité sociale ou à l’externe (ad extra), c’est–à-dire, entre une réalité nationale et une autre. Mais sachant que la paix demeure le contexte indispensable pour une réelle évolution de la société, il importe de voir comment la reconquérir quand elle est en crise. C’est ce qui explique le travail des « écoles de la paix » dans la nécessité aussi de penser la guerre comme étape ultime de tentative de ramener la paix.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - BENOIT XVI, Exhortation post synodale AfricaeMunus, n° 29 ; Lettre encyclique Deus Caritas est (25 décembre 2005), n. 28 : AAS 98 (2006), p. 240 ; DC 2352 (2006). 179-180..
2 - HUDE, H., L’éthique des décideurs, Editions Economica, Paris 2013, 44. L’expression aller de Charybde en Scylla signifie : aller de mal en pire.