Vivre d’une foi incarnée, c’est aussi prendre soin de l’environnement
2e partie : : Vivre la foi, une exigence de raison
Dans un document qui porte le titre de ce binôme inséparable de « foi et raison » (Fides et Ratio), Jean-Paul II, met en exergue l’importance de l’heureuse coordination de ces deux réalités pour le bonheur de l’humanité : « LA FOI ET LA RAISON sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. » 1
Mais à l’observation, quelle connexion y a-t-il en vérité entre foi et raison dans la vie sociale que nous menons ? Si la foi nous intègre à une humanité capable de réelle compassion et engagement, quelle est la rationalité de la foi dont nous faisons œuvre quand notre foi semble une fuite de responsabilité pour se réfugier paresseusement derrière la puissance de Dieu, qui si elle n’est pas niée, nous sollicite. Saint Augustin l’exprimait bien : « Dieu qui nous a créés sans nous ne nous sauvera pas malgré nous »2 . Dans cette optique une foi éclairée par la raison et une raison éclairée par la foi donnent à l’homme de foi l’équilibre nécessaire pour faire face à la vie. La foi est d’ailleurs logos, exigence de rationalité. Jean-Paul II mettait bien en exergue les possibles dérives d’une foi sans raison ou d’une raison sans foi :
La raison, privée de l'apport de la Révélation, a pris des sentiers latéraux qui risquent de lui faire perdre de vue son but final. La foi, privée de la raison, a mis l'accent sur le sentiment et l'expérience, en courant le risque de ne plus être une proposition universelle. Il est illusoire de penser que la foi, face à une raison faible, puisse avoir une force plus grande; au contraire, elle tombe dans le grand danger d'être réduite à un mythe ou à une superstition. De la même manière, une raison qui n'a plus une foi adulte en face d'elle n'est pas incitée à s'intéresser à la nouveauté et à la radicalité de l’être . 3
Ce risque d’une foi privée de raison nous guette particulièrement en Afrique. Il a raison de nous dans toutes les situations où le fondamentalisme, le fanatisme religieux ou le prosélytisme font rage. Il nous guette dans toutes les situations où l’on note une sorte d’omniprésence de l’invisible que l’on combat dans « une spiritualité de la contre-attaque » (du glo et du bo) où l’on se croit toujours en lutte contre un pseudo mauvais sort ou des ennemis à combattre. Conséquemment, au lieu d’affronter raisonnablement sa responsabilité dans l’histoire, l’on réfère prétendument tout à l’autre qui nous en voudrait.
La conjugaison bien articulée entre foi et raison ne peut pas ne pas ouvrir aux grands enjeux de la vie sociale. Car l’une et l’autre travaillent à une humanité saine et à une réelle prise de conscience des problématiques touchant à la vie de l’homme en société. Dans la situation de fuite de responsabilité par contre, on comprend que l’on abandonne par négligence ou par ignorance des questions pratiques qui ont une incidence réelle sur la vie comme les questions environnementales.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Fides et Ratio, Introduction, AAS 91, 1999, 5.
2 - SAINT AUGUSTIN, Sermon 169, 11, 13.
3 - JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Fides et Ratio, 48 : AAS 91, 1999, 43.