La famille, cellule de base de la société
En dehors des principes de la Doctrine Sociale de l’Eglise que nous avons eu l’occasion d’explorer et sur lesquels nous reviendrons, il nous plaît de nous arrêter un peu, dans notre marche vers Pâques, sur la réalité de la famille, cellule de base de la société.
La famille, en tant que première société naturelle, joue un rôle primordial dans la vie sociale, car elle est le contexte naturel où la vie humaine est accueillie. Ce contexte est déterminant, sachant même avec Janusz Korczak que « l’enfant est un parchemin rempli d’hiéroglyphes menus dont tu ne pourras déchiffrer qu’une partie »1 . Elle demeure la première école de la vie, le lieu d’initiation aux valeurs et aux éléments de sagesse du vivre-ensemble. Elle est le lieu où l’on fait l’expérience de l’altérité et d’un vécu ouvert à l’autre et au monde.
A ce titre, c’est avec elle que commence et murit l’expérience de la relation entendue comme « communio personarum »2 . Une telle communion n’est pas synonyme de massification des personnes. Elle s’exprime plutôt dans une altérité différentielle : le père n’est pas le fils, le fils n’est pas le père ; la mère n’est pas la fille et la fille n’est pas la mère, etc. Le livre de la Genèse le dit bien : « homme et femme il les créa. » (Gn 1, 27). Une telle distinction est importante et a son poids dans la perpétuation des générations. Du point de vue de l’ordre ordinaire des choses, toute vie naît naturellement de la coopération homme-femme, dans l’amour conjugal. La famille se présente alors comme le cadre de la culture de l’altérité et le lieu où fleurit la vie grâce à la coopération père-mère.
Pour travailler à faire grandir dans l’humanité, il faut justement des éléments de la sagesse pratique, dans leurs liens aux vertus, fruits de l’expérience culturelle du vivre-ensemble de la famille (société en miniature) et de la société dans son ensemble. Dans la littérature sapientielle, on peut retenir en guise d’illustration ces conseils pratiques provenant de l’éducation en famille :
« Écoute, mon fils, les leçons de ton père, ne néglige pas l’enseignement de ta mère : c’est comme une couronne de grâce sur ta tête, un collier à ton cou » (Pr 1, 8-9).
Le père et la mère, dans les éléments de sagesse de vie qu’ils sont supposés transmettre, sont les premiers éducateurs à la vie dans tous les domaines. C’est ensuite que d’autres types d’écoles culturelles prendraient le relais.
La famille est si complète dans sa configuration naturelle que l’Eglise « la considère comme la première société naturelle, titulaire de droits propres et originels, et la met au centre de la vie sociale » 3 . A cause de ces attributs fondamentaux de société naturelle nantie de droits propres et originels, la famille devient une réalité incontournable pour une saine vie sociale. Le Pape Jean-Paul II précise dans ce sillage dans Lettre aux familles que l’écarter dans sa vocation au sein de la société, c’est « causer un grave dommage à la croissance authentique du corps social tout entier » 4 . La famille est en effet le lieu de structuration des premières relations interpersonnelles, en tant que « communauté de vie et d’amour » entre un homme et une femme.
Pour la personne, la famille est importante comme cadre premier de sa vie et de l’amour 5 qui l’entoure pour sa croissance. La famille lui donne l’opportunité intrinsèque de relation à l’autre par la relation à ses membres. C’est le cadre où l’enfant s’éveille à ses potentialités et reçoit l’éducation qui travaille à faire éclore ses aptitudes et talents dans ce qu’il a d’unique et d’irrépétible.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - KORCZAK, J., Comment aimer un enfant, Edition R. Laffont, Paris 1978, 28. (L’année internationale de l’enfant, en 1979, a été dédiée à ce grand éducateur polonais).
2 -CONCILE OECUMENIQUE VATICAN II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n°12 : AAS 58, 1966,1034.
3 -CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, n°211, Editions du Cerf, Paris 2005, 122.
4 -JEAN-PAUL II, Lettre aux familles Gratissimam sane, 17 : AAS 86, 1994, 906.
5 - CONCILE OECUMENIQUE VATICAN II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n°48 : AAS 58, 1966, 1067-1069.