Pourquoi nous travaillons ?
Au niveau socio-anthropologique, l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est l’être de la nature, qui de fait, se trouve le moins pourvu pour ne vivre que des opportunités de la nature pure et dure. L’homme est en effet un être culturel. Il est un animal social, pour reprendre ces termes bien connus de la philosophie aristotélicienne. Sa réalité d’être culturel l’engage à élaborer, grâce à la culture, ses besoins peu naturels dans tous les domaines de la vie. Est éclairant à ce sujet le classique de Jean Fourastié dans son ouvrage Pourquoi nous travaillons ?dont je rappelle une des pages bien significatives :
Nous travaillons pour produire. Et ainsi pour pouvoir consommer. Toutes les choses que nous consommons sont en effet des créations du travail humain, même celles que nous jugeons en général
les plus naturelles comme le blé, les pommes de terre ou les fruits : toutes ces créations de l’homme ne subsistent que parce que nous les défendons contre la nature ; elles valent pour l’homme mais ne
valent que pour l’homme.
À plus forte raison, les objets manufacturés sont des produits artificiels créés par le seul travail de
l’homme. Qu’en conclure, sinon que l’homme est un être étrange, dont les besoins sont en total désaccord avec la planète où il vit ?
Pour bien le comprendre, il faut d’abord comparer l’homme aux animaux. Dès qu’ils sont rassasiés de nourriture, aucun d’eux ne cherchera à se procurer un vêtement, une montre, une pipe ou un poste de radio. L’homme seul a des besoins non naturels.
Et ces besoins sont immenses. L’oxygène de l’air est le seul produit naturel obtenu sans travail qui satisfasse entièrement et parfaitement l’un des besoins de l’homme. Nous travaillons pour produire, pour transformer la nature naturelle, qui satisfait mal ou pas du tout les besoins humains, en éléments artificiels qui satisfassent ces besoins. [1]
Par-delà les aspects critiquables du consumérisme qui s’exprime dans ce texte, on y note des passages importants dans la vie de travail :
- D’abord, c’est par le travail que l’homme cultive les éléments nécessaires à sa subsistance.
- L’activité économique tient d’ailleurs en la gestion rationnelle des biens cultivés par l’homme pour mener une vie décente sur la terre et il s’inscrit dans une capacité de penser au lendemain.
- L’homme pense par-delà sa subsistance qui l’engage à se nourrir, à se vêtir, à se loger, à s’instruire et à se soigner qui sont les besoins fondamentaux peu naturels, à se procurer des produits manufacturés, tels «une montre, une pipe ou un poste de radio ». « L’homme seul a des besoins non naturels », comme le précise bien Jean Fourastié.
- Une synthèse bien éclairante au plan socio-anthropologique sur pourquoi nous travaillons tient en cette idée de Fourastié : «Nous travaillons pour produire, pour transformer la nature naturelle, qui satisfait mal ou pas du tout les besoins humains, en éléments artificiels qui satisfassent ces besoins ». [2]
Ayant ainsi situé des raisons pour lesquelles nous travaillons, il manquerait encore des aspects de motivations qui nous fassent recueillir la finalité de la vie de l’homme. Car, étant des êtres créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous ne saurions ne pas nous poser la question relative à notre
destinée sur terre, une question qui oriente et imprègne la dimension éthique même du travail humain. Cette question de la finalité de notre vie explique aussi la finalité du travail qui devient un
moyen de collaborer avec Dieu à notre destinée.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - FOURASTIE, J., Pourquoi nous travaillons ? PUF, Paris 1959 ; (Cf. Collection Que sais-je ? n° 818) (pour le texte cité http://www.i-manuel.fr/RESTMG_ECO/RESTMG_ECOpart1dos1CO1doc1.htm, Consulté le 21 avril 2018).