Le sens objectif du travail
Dans le récit de la Genèse, nous avons le mandat donné à l’homme de soumettre la terre. Cette domination de l’homme sur la terre se réalise dans et par le travail. Cette domination, dans une intelligence et une recherche de sauvegarde de l’équilibre interne à la nature pour faciliter la vie de l’homme est ce qui souligne le sens objectif du travail.
Le travail au sens objectif, c’est donc l’effort de l’homme de chaque génération pour rendre la terre capable d’accueillir la vie dans chaque milieu. C’est l’effort de culture et de civilisation de chaque peuple. Il inclut alors, les procédés de domestication des animaux pour savoir en tirer les éléments nécessaires pour se vêtir et se soigner, l’élaboration à partir des ressources de tous genres se trouvant dans son milieu naturel pour se faciliter la vie. Le travail au sens objectif, c’est donc toute activité humaine partant de celles qui nécessitent davantage la force physique jusqu’à celles plus élaborées et requérant davantage la capacité cognitive et le sens industrieux de l’homme. Tous les secteurs d’activité sont impliqués dans ce sens objectif du travail : le secteur primaire (pour les transformations agricoles et minières), le secteur secondaire (ou l’industrie est plus impliquée dans une fine transformation des matières premières) et le secteur tertiaire (secteur des services de tout genre).
L’effort à faire aujourd’hui, dans les pays en voie de développement comme le Bénin, est de voir comment faire moins dépendre l’agriculture des forces physiques pour une meilleure performance, grâce à la mécanisation progressive et intensive. Si la machine peut être désignée comme l’objectivation du travail humain, il faut retenir essentiellement que « même à l’époque du « travail » toujours plus mécanisé, le sujet propre du travail reste l’homme» 1. La technique est donc à concevoir comme alliée de l’homme au travail, « elle lui facilite le travail, le perfectionne, l’accélère et le multiplie»2 , comme l’exprime bien l’encyclique LaboremExercens.
Mais les dérives à éviter, c’est de voir la technique se substituer à l’homme au point de lui enlever la satisfaction personnelle ou l’implication de l’intelligence et de la créativité, faisant de lui un automate et un maillon inconscient d’une chaîne, devenant comme esclave au service d’un mécanisme.
Réfléchissant sur le secteur des services au Bénin, il urge de revoir comment faire réfléchir nos concitoyens de sorte que, certaines activités soient mieux pensées pour les problèmes réels qu’elles posent dans ce déploiement du sens objectif du travail. C’est le cas des taxis motos avec les problèmes de santé publique qu’ils entraîneront et des vendeurs à la sauvette dans les feux tricolores de nos cités. S’il n’y a pas de travail humiliant en soi, il y a des occupations qui méritent d’être repensées pour une prise en charge réaliste de soi. La dimension éthique de la vie ne doit pas non plus être occultée à l’heure de penser à la dimension objective du travail. Le secteur informel chez nous aujourd’hui, constitue en ce sens un défi à l’intelligence et à l’esprit entrepreneurial qui n’occulte pas la dimension fondamentale de la dignité de l’homme au travail. Ce défi est posé à l’état et à la société civile elle-même pour que la dignité de l’homme au travail soit à l’honneur.
Pour une approche réaliste, la Doctrine Sociale de l’Eglise, au-delà de l’aperçu général qu’elle peut offrir, adopte une méthode qui s’intéresse au particulier dans l’esprit du principe de subsidiarité, de solidarité et de bien commun. Paul VI l’exprimait bien dans OctogesimaAdveniens n°4 :
Face à des situations aussi variées, il nous est difficile de prononcer une parole unique, comme de proposer une solution qui ait valeur universelle. Telle n’est pas notre ambition, ni même notre mission. Il revient aux communautés chrétiennes d’analyser avec objectivité la situation propre de leur pays, de l’éclairer par la lumière des paroles inaltérables de l’Évangile, de puiser les principes de réflexion, des normes de jugement et des directives d’action dans l’enseignement social de l’Église tel qu’il s’est élaboré au cours de l’histoire et notamment, en cette ère industrielle, depuis la date historique du message deLéon XIIIsur « la condition des ouvriers » (…). A ces communautés chrétiennes de discerner, avec l’aide de l’Esprit Saint, en communion avec les évêques responsables, en dialogue avec les autres frères chrétiens et tous les hommes de bonne volonté les options et les engagements qu’il convient de prendre pour opérer les transformations sociales, politiques et économiques qui s’avèrent nécessaires avec urgence en bien des cas.
Partant de cet élément méthodologique, nous sommes fondés pour nous pencher sur la problématique du travail, non du point de vue scientifique, mais du point de vue de la dignité de l’homme et des droits des travailleurs.3 Aussi nous intéressons-nous à la question telle qu’elle se pose au Bénin en relation avec le monde, en cette ère de la mondialisation. Il importe de faire remarquer diverses situations où la dignité de l’homme peut être en cause chez nous par rapport à la dimension objective du travail : les instruments de travail peu performants, ralentissant la production et requérant beaucoup d’effort humain pour de maigres résultats parfois.
Père Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’IAJP/CO
1 - JEAN-PAUL II, Encyclique LaboremExercens, n°5 § 3.
2 - JEAN-PAUL II, Encyclique LaboremExercens, n°5 § 4.
3 - JEAN-PAUL II, Lettre encyclique LaboremExercens, n°1§4.