Du dialogue social
Le dialogue social selon la définition de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) présentée par le ministre DOSSOU, est un ensemble de procédures visant à mettre en place des mécanismes de concertation, de consultation, de médiation et de gestion de conflits dans lesquels les intérêts de chaque partie sont préservés. La notion recouvre donc toutes les formes de négociation, de consultation et d’échange d’information qui impliquent les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs sur les questions d’intérêt mutuel liées à la politique économique et sociale. Par extrapolation, donc le dialogue social, a précisé le conférencier, désigne toutes les négociations qui se déroulent entre un gouvernement et les organisations d’employeurs et de travailleurs, concernant l’élaboration et l’application des politiques économiques et sociales, le cas échéant, la participation des autres membres de la société civile.
Le dialogue social apparaît ainsi comme :
- « un langage technique » - pour utiliser l’expression du conférencier- des rapports de coexistence pacifique et féconde entre acteurs du monde du travail
- un remède, voire une mesure prophylactique contre les tensions économiques, sociales et politiques.
- un élément de « contrat de gouvernance sociale » construit sur la responsabilité civique de chacun des acteurs et surtout sur une exigence de justice sociale.
Toutes choses, selon le ministre DOSSOU, qui supposent des conditions préalables, au nombre de six suivant son analyse :
1-Un système démocratique favorable au pluralisme ;
2-Le respect des droits humains et syndicaux notamment la liberté d’association et le droit à la négociation collectives ;
3-L’existence de groupes sociaux indépendants ;
4-Des partenaires sociaux indépendants, représentatifs ;
5-Le respect des règles établies de commun accord ;
6-La confiance mutuelle
Ainsi définit, le dialogue social selon M. DOSSOU, s’avère un puissant outil de développement. Après avoir donné une définition selon Julius NYERERE le conférencier a fait savoir que cette définition du concept de « développement » fait appel à la notion de solidarité, laquelle met l’homme au cœur du débat dans une démarche participative qui selon lui se construit dans le dialogue social permanent avec toutes les forces politiques et sociales. L’homme ici indexé est décrit comme être responsable inscrit dans une démarche de discipline.
Etat des lieux – Le Bénin est-il un pays de dialogue ?
Le conférencier a signalé plusieurs cadres d’expression du dialogue social au Bénin, allant des institutions étatiques aux structures entrepreneuriales. Le ministre DOSSOU a souligné que si certains de ces cadres de dialogue étaient « pleinement opérationnels », d’autres l’étaient beaucoup moins. Les raisons de cet état de choses sont multiples a –t-il indiqué. Outre les « compétences limitées » qu’accordent les textes qui les régissent à certains de ces cadres de dialogue social, on retient aussi entre autres, l’irrégularité dans leur fonctionnement, le manque de confiance, la politisation du dialogue social, l’irrégularité dans le fonctionnement des cadres de dialogue en question et l’insuffisance de formation et de compétence des animateurs.
Le conférencier s’est référé à la culture de dialogue que l’on reconnaît aux sociétés traditionnelles du Bénin et rappelé la conférence nationale qui s’est avéré un instrument exceptionnel et très efficace de dialogue social au Bénin. En somme, si la pratique aujourd’hui au Bénin en matière de dialogue social n’est pas très reluisante, des fondements culturels et historiques existent dont le pays pourrait et devrait s’inspirer.
Ainsi a indiqué le ministre DOSSOU, « la vraie question n’est donc pas de savoir si nous sommes une société de dialogue […] Il s’agit plutôt de se demander comment, dans ce contexte, rendre le dialogue social plus efficace pour le développement de notre pays » Il a d’abord indiqué qu’il ne saurait continué à être perçu comme l’affaire des seuls représentants du gouvernement et des syndicats, mais une démarche qui implique tous les acteurs sociaux. Il pense que le dialogue social doit dorénavant se déployer :
- dans le respect des libertés syndicales ;
- dans le respect des règles établies de commun accord ;
- avec l’engagement des parties prenantes à réaliser le consensus par le dialogue
- dans une nécessaire vision de concertation au service de tous les acteurs et interlocuteurs ; et
- avec l’effectivité de la synergie entre les interventions des organes de gestion du dialogue social
Le ministre DOSSOU a conclu son exposé en projetant le dialogue social comme le puissant instrument susceptible de construire le Bénin rêvé par le programme prospectif « Bénin Alafia 2025 », «un pays-phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social »
Regard de l’Eglise sur le sujet : « Bien Commun »
L’abbé Colbert invité par le modérateur à apporter la lumière de l’Eglise sur le sujet, a exprimé toute sa satisfaction sur la présentation qui, a –t-il souligné, correspond pour l’essentiel à l’enseignement de la doctrine sociale de l’Eglise sur le point relatif au Bien commun. Appréciant la concision et l’argumentaire rigoureux du conférencier, le père directeur est revenu sur le concept de participation auquel la doctrine sociale de l’Eglise accorde un grand prix ; une notion qui renvoi à la conjugaison avec un contexte de pluralisme, condition de réalisation du dialogue social. L’occasion fut saisie par le père directeur pour inviter les uns et les autres, participants à cette causerie, à se saisir des contextes de leurs vécus ordinaires, familiaux, professionnels et autres pour entrer dans cette dynamique de dialogue social, telle que présentée à l’occasion. Le père directeur de l’IAJP a renvoyé à l’encyclique « Fides et ratio » une exhortation du pape Jean Paul II à respecter chaque contexte dans sa logique spécifique qui constitue une sorte d’enrichissement et d’en tenir compte dans le vivre ensemble.
Réagissant à une interpellation du modérateur sur le paradoxe flagrant observé dans les agissements du gouvernement d’une part et de l’autre son discours et la création même d’un poste ministériel ayant pour attribution le dialogue social, le ministre DOSSOU a rappelé la politisation du dialogue social, la perte de confiance et la prolifération des organisations syndicales, qu’il avait évoqué dans son exposé et qui répond à la critique.
Ces dernières interventions ont laissé place aux questions et débats auxquels on peut noter entre autre :
- L’absence d’anticipation, le pourrissement des situations de crise sociale avant les appels à négocier du gouvernement ;
- des critique sur le climat du dialogue social au Bénin : l’attitude du gouvernement qui n’anticipe pas les mouvements de grève qu’il est tout le temps en train de vouloir rattraper par la suite ;
- la perte de confiance entre les partenaires sociaux ;
- la prolifération des syndicats ;
- le rôle de l’argent dans le dénouement des crises pour savoir si cela participe d’une stratégie ou s’il s’agit d’une des faiblesses ou tares du climat de dialogue social au Bénin ;
- l’aspect technique d’identification des situations de crise en vue d’une prompte anticipation ;
- les raisons pour lesquelles l’acteur Etat prenant part au dialogue social ne respecte jamais la parole donnée…
Esquisse de réponse aux préoccupations et débats
Reprenant la parole, le ministre DOSSOU a d’abord fait observer que le pays souffre d’une crise de leadership qui interpelle chacun à son niveau de responsabilité. Il a rappelé que le leader est celui qu’on suit les yeux fermés et qu’il doit être par conséquent l’incarnation de valeurs reconnues de tous.
Le conférencier est revenu sur la politisation du dialogue social qu’il avait souligné pour préciser qu’en cherchant à instrumentaliser le dialogue social et à vouloir s’en servir comme « rampe de lancement » politique, il ne fait aucun doute que les résultats ne sauraient être différents de ceux observés. Il a alors resitué le débat sur le champ de la gouvernance comme la capacité à bien identifier les problèmes, à bien identifier les politiques pour les résoudre et enfin la capacité à mettre en œuvre ses politiques. Cette analyse faite, l’ancien ministre a indiqué que le Bénin n’a pas un problème de vision, mais plutôt un grave problème de leadership. Il a évoqué au passage l’exemple du système de gratuité des soins de santé qui ne parvient pas à prendre forme au Bénin, alors qu’il apparait comme une réussite en matière de bonne gouvernance, le système sanitaire du Rwanda dont les cadres sont venus s’inspirer des politiques élaborées au Bénin.
Répondant à la question du pourquoi, ce non-respect par le gouvernement de la parole donnée, le conférencier sans utilisé le mot l’ancien ministre a décrit un populisme ambiant qui préfère l’immédiateté d’une fausse accalmie à l’efficacité de négociations rigoureuses qui de façon pédagogique mettent chaque partenaire devant ses responsabilité et l’intérêt commun. Il s’est enfin interroger pour conclure, sur la nature du pays que l’on veut laisser à la postérité.
Ces derniers mot du conférencier ont clôt la séance aux alentours de 21h40 pour un autre rendez-vous le 22 octobre sur une autre thématique.