Aperçu global du thème de 2017 : « TRAVAIL ET DEMOCRATIE AU BENIN : UNE CLE NODALE DE LA QUESTION DU DEVELOPPEMENT »
LES CONFÉRENCES SOCIALES MENSUELLES DE L’IAJP
Année 2017
1. De l’état de la question
Le chemin d’approfondissement réalisé grâce aux conférences sociales mensuelles de l’année 2016, nous a permis de travailler sur Institutions, valeurs humaines et sociales en démocratie. Nous voudrions poursuivre la réflexion en nous consacrant au cours de l’année 2017 au lien « Travail » et « Démocratie » au Bénin.
Sortis pacifiquement d’une élection présidentielle de tous les enjeux et appréhensions, nous avons un sentiment de soulagement et de reconnaissance à Dieu, du fait que tout se soit assez bien passé. Au fond, les supputations ne semblaient pas favorables, mais grâce à la sagesse du peuple béninois et des institutions impliquées dans l’organisation des élections, l’on peut avoir un sentiment de satisfecit d’avoir épargné des situations de crise sociale pour une génération.
Le contexte démocratique a fondamentalement l’avantage d’offrir l’opportunité de cultiver un personnalisme et une pluralité où une place est accordée à l’homme et aux libertés individuelles, de sorte que l’on libère raisonnablement l’initiative et la créativité. C’est le contexte auquel renvoie le capitalisme ou l’économie sociale de marché tel que le définit Jean-Paul II dans la Lettre Encyclique Centesimus Annus :
« Si sous le nom de « capitalisme » on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l'entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu'elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s'il serait peut-être plus approprié de parler d'« économie d'entreprise », ou d'« économie de marché », ou simplement d'« économie libre ». Mais si par « capitalisme » on entend un système où la liberté dans le domaine économique n'est pas encadrée par un contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale et la considère comme une dimension particulière de cette dernière, dont l'axe est d'ordre éthique et religieux, alors la réponse est nettement négative. » [1].
La démocratie étant perçue comme un contexte qui encourage l’entrepreneuriat et la mise en jeu des potentialités individuelles et communautaires, alors, elle rime avec le capitalisme bien défini dans sa dimension positive, comme en parle Jean-Paul II. Si être libre est fondamental, se mettre au travail est capital pour le développement d’une nation. C’est d’ailleurs pour l’expression libre mais « encadrée » des initiatives et de la créativité que le contexte démocratique est encouragé dans la pensée sociale de l’Eglise.
Un recours à l’histoire par rapport au bon alliage de la démocratie et de la valeur travail en vue d’un développement humain intégral, nous fait penser à l’Allemagne, vaincue des deux grandes guerres mondiales, et pourtant, en tête de pelletons en Europe aujourd’hui, grâce au travail. C’est en effet, par le travail qu’elle s’est reconstruite et a pu de nouveau se hisser au rang économique qui est actuellement le sien.
Si la démocratie a le mérite de garantir les droits des personnes et les libertés individuelles, dans un contexte orienté au bien commun, le travail offre l’opportunité de prendre en mains sa propre histoire.
L’Eglise, dans sa pensée sociale ouverte sur la dimension intégrale de la vie de l’homme, comprend aussi l’importance indéniable du travail et l’exprime. Le pape Jean-Paul II affirmait à cet effet et de façon forte dans sa Lettre Encyclique (sur le travail humain), Laborem Exercens : « Le travail humain est une clé, et probablement la clé essentielle, de toute la question sociale, si nous essayons de la voir vraiment du point de vue du bien de l'homme » . Car, le travail ennoblit l’homme, contribue à lui conférer dignité et honorabilité, et à ce titre demeure une manière de « rendre la vie humaine plus humaine », comme l’exprime Gaudium et Spes .
En tant que tel, le travail fait partie des valeurs ou réalités qui aident foncièrement dans l’édification d’une démocratie digne de ce nom. Car, l’autodétermination de soi comme nation dépend aussi de l’autonomie que l’on a. Le travail y occupe une grande part et il faut s’y mettre vraiment.
La démocratie étant entendue comme un cadre qui respecte le mieux les libertés individuelles, elle sied donc à l’entrepreneuriat. Le travail est appelé alors à s’exercer dans toute la créativité dont peuvent faire preuve les citoyens. Ce faisant, l’intelligence est sollicitée afin d’œuvrer à créer les outils capables d’améliorer la productivité et le rendement pour savoir investir dans les domaines porteurs d’avenir et de sens pour la vie de l’homme.
Au titre de l’année 2017, cet ensemble articulé de réflexions est pensé être examiné à travers le thème général : « TRAVAIL ET DEMOCRATIE AU BENIN : UNE CLE NODALE DE LA QUESTION DU DEVELOPPEMENT ». Au programme, sept conférences sociales mensuelles, un atelier de réflexion et de formation et un colloque international marquant en même temps le vingtième anniversaire de l’IAJP/CO serviront de creuset pour approfondir cette thématique.
2. Des thématiques à approfondir
Les conférences sociales mensuelles sont ouvertes à tous pour leur formation. Elles conserveront leur forme habituelle de deux heures d’échanges. En outre, l’expérience de conférence-débats sera poursuivie, avec pour objectif d’enrichir et de diversifier les points de vue. Les conférences seront organisées en trois volets.
2-1. Volet 1 : Réflexions basiques sur la notion du travail dans la vie de l’homme
Le présent volet a pour ligne de réflexion la compréhension basale de la notion du travail aussi bien comme un acte divin qu’en tant que déterminant humain. Avec la première thématique, l’on sera appelé à examiner le travail dans son essence divine avant de préciser ses aspects humains. A la suite de ces réflexions introductives, la seconde conférence mettra davantage l’accent sur le déploiement du travail aux mains de l’homme. Les thèmes à développer sont :
Si les récits bibliques présentent le travail comme une action divine, ils le dévoilent également comme une réalité humaine. Ce constat premier s’ouvre sur des considérations d’ordre sémantique et même critique. Qu’est-ce le travail tant dans son sens subjectif qu’objectif ? Qu’exprime-t-il quand il se déploie dans la sphère divine ? Est-il une sanction, une sentence face aux travers comportementaux de l’homme ?
Aux mains de l’homme, qu’elle découle d’une sanction éventuelle ou toute autre chose, la réalité du travail suggère deux champs de réflexion. L’homme travaille-t-il parce que dans son essence, il ne peut s’entendre sans travailler ? Le travail, dans ce contexte, s’apparenterait à une forme de « co-naturalité » et de réalité ontologique. A défaut ou en plus de ce premier lieu d’interrogation, l’on peut être amené à se demander si le travail humain découle des contingences sociologiques. Sous ce titre, l’homme travaillerait-il, non pas poussé de l’intérieur mais du fait des circonstances exogènes ? Dès lors, se présente-t-il comme un être libre au travail, appliquant son intelligence et ses potentialités aux problématiques de la vie ?
Ce premier volet a servi de cadre pour poser les bases des réflexions. Le deuxième volet permettra d’approfondir les analyses en nous intéressant au travail dans le contexte béninois.
2-2. Volet 2 : La question du travail aux prises avec les réalités du Bénin
Les quatre conférences de ce deuxième volet sont relatives aux situations concrètes qui se déploient au Bénin. Elles visent à un approfondissement cohérent pour saisir les réalités en présence en vue de mieux aborder la question du travail. Les échanges seront axés sur les thèmes ci-après :
S’il est vrai que tout peuple aspire au développement intégral, il est aussi vrai que c’est par la culture du travail que ce souhait peut être une réalité. Sans ambages, la présente conférence se veut un espace d’échanges sur la culture du travail au Bénin. Au-delà des aspects notionnels, les réflexions devraient aider à mieux appréhender les déterminants de la culture du travail en général et leur correspondance avec les réalités béninoises.
Le « Nouveau Départ » est apparu dans le renouveau démocratique comme un temps pour faire la « rupture » d’avec les pratiques de gouvernance antérieures jugées, à tort ou à raison, non satisfaisantes. Sans en faire l’objet de la présente conférence, les réflexions sont orientées vers l’actuelle propension de l’administration et de la société béninoise en général au travail et au travail bien fait. Quelle appréciation faire des efforts déployés dans ce sens et quels en sont les incidences qui conforteraient dans l’idée du « Nouveau Départ » ?
Même s’il faut travailler, il apparaît que le travail a besoin de se dérouler dans un cadre qui permet tant aux individus qu’à toute la société de profiter des richesses enregistrées. Le secteur dit informel est depuis des années au Bénin un secteur de déperdition d’importantes ressources financières. Considéré comme un talon d’Achille, les efforts divers pour la reconversion des acteurs qui s’y retrouvent peinent à porter les résultats escomptés. Cette cinquième conférence, loin d’être un réquisitoire dressé contre le secteur informel se veut une réflexion critique en vue de mettre en exergue les défis qui se posent à l’intelligence (à la capacité créatrice humaine) et de la responsabilité tant des citoyens que de l’Etat.
A la réflexion, l’on pourrait s’interroger entre autres sur la question des vendeurs ambulants et contrebandiers d’essence : quel avenir ? Quelle sécurité sociale ? En dehors des questions d’hygiène que cela pose, il y a les questions liées à la santé publique.
L’expérience démocratique en soi signifie capacité de s’associer en vertu de la liberté reconnue aux citoyens de mettre en œuvre leur esprit d’initiative. Accueillir cela, l’encourager, tel doit être l’un des fruits d’une réelle démocratie. Dans ce contexte, triomphe l’ouverture d’esprit pour la participation citoyenne intégrale. On observe dès lors au niveau individuel l’émergence du leadership, de la capacité d’entreprendre et de l’esprit d’entreprise. En fait, en lien avec l’esprit entrepreneurial, l’un des acquis de la vogue démocratique au Bénin est la conscience d’avoir notre destin en main, la possibilité de travailler selon ses capacités propres. Mais, avons-nous conscience de ces acquis au plan individuel ? Et quand l’on arrive à déployer ses capacités en termes de prises d’initiatives, prospèrent-elles et favorisent-elles un réel développement ? Quels en sont les déterminants ?
Après avoir posé les considérations de base qui se sont ouvertes aux réalités béninoises, le dernier volet se présente comme le lieu d’espérance pour des perspectives plus heureuses.
2-3. Volet 3 : Pour une approche intégrale de l'engagement en démocratie
Ce dernier volet se veut non seulement une synthèse mais surtout une ouverture du sujet de réflexion vers des perspectives nouvelles. L’unique thème à aborder est :
Cette dernière conférence met en lien deux notions dont le génie de la bonne combinaison contribue au développement : spiritualité du travail et démocratie. Après la précision des contenus notionnels de ces concepts, la réflexion pourrait s’articuler non limitativement autour de quelques axes. Tout en étant une personne croyante ayant fait librement le choix de son obédience religieuse, notre rapport au travail témoigne-t-il de l’être spirituel que nous sommes ? La religion devrait-elle constituer un atout ou un handicap pour la contribution citoyenne ? Dans quelle mesure notre qualité de personne priant nous différencie-t-elle dans notre bonne participation au développement de notre nation ?
Le travail, une réalité humano-divine
(12 janvier 2017)
Abbé Anatole Zoe DOVONOU, Docteur en Morale Sociale
[1] JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Centesimus Annus, n°42 : AAS 83 (1991), 845-846.
[2] JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Laborem Exercens, n°3, AAS 73 (1981), 583.
[3] CONCILE OECUMENIQUE VATICAN II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n°38, in AAS 58 (1966), 1055.