de l’IAJP, Colbert GOUDJINOU, qui n’a pas manqué de remercier le communicateur pour sa disponibilité. Le modérateur de la rencontre a par la suite présenté le conférencier qui, outre ses responsabilités actuelles de Recteur de Grand Séminaire, est aussi formateur à l’Ecole d’Initiation Théologique et Pastorale de l’Archidiocèse de Cotonou et auteur de plusieurs ouvrages dont deux publiés en 2018.
A l’entame de son exposé, le Père KINHOUN a fait observer le caractère polysémique du concept du travail ; une notion changeante selon les temps et les lieux. En effet, pour les vieux grecs, le travail est le propre des esclaves et se limite aux œuvres de la matière, comme source d’aliénation, et de ce fait, est réservé aux aliénés. Pour le jeune moderne, le travail est précisément le propre des hommes libres. Ne pas avoir un emploi, c’est devenir esclave. Le travail se réduit pour d’autres à l’emploi. Ainsi, sans rémunération pécuniaire, on ne saurait parler de travail.
En réalité, conclura l’exposant sur cette approche notionnelle, le travail est tout ce qui affine l’homme en humanité ; et donc tout ce qui lui permet manuellement et/ou théoriquement de participer à son propre épanouissement, d’apporter du sien à la construction de la vie sociale, et de se garantir à soi-même et à la postérité une stabilité morale et matérielle. Le travail est donc intrinsèque à la vie de l’homme ; une exigence propre de l’esprit humain qui, par sa structure même, ne se retrouve qu’en sortant de lui-même, qu’en s’extériorisant par la créativité, par la transformation du milieu de vie c’est-à-dire par la construction de ce pont nécessaire entre l’esprit et la matière. Ne pas travailler est alors source de frustrations et même d’indignité. Dans ce sens, le travail ne saurait être réduit à l’emploi, à son utilité pécuniaire immédiate, à son caractère souvent contraignant, ni même à sa reconnaissance sociale gratifiante.
Après cette revue conceptuelle, le conférencier a indiqué les trois parties de son intervention :
1-L’homme, un être rationnel : Mens molem agitat
2-L’homme, un être spirituel : Dieu ou rien
3-L’homme, un être moral : l’éloge de la conscience et l’éloge du repos
On notera dans la première partie que pour qu’un travail participe vraiment à la promotion humaine, il faut qu’il ait un présupposé anthropologique conséquent : telle vision de l’homme, telle conception du travail. Si l’homme est incontestablement fait de matière et d’esprit, si son équilibre passe par l’harmonie entre ces deux composantes, alors tout travail, pour être humain doit être humanisant. Il doit donc présupposer, maintenir et valoriser cette double valence matérielle et spirituelle de l’homme ; sans les confondre ni les séparer. Dès lors, pour qu’un travail promeuve effectivement l’homme, il doit engager et mobiliser tout l’homme, surtout son esprit.
En effet, la matière sans l’esprit reste une masse amorphe et anonyme. De même, l’esprit sans la matière n’engendre que des idées pures sans réalisations concrètes. Ce faisant, le travail qui ne vise que le gain, qui ne sollicite que la force physique finit par dénaturer le travailleur lui-même. Le Père KINHOUN ajoute que chaque travail, aussi minime soit-il, doit laisser une marge à la pensée, à la créativité, à la nouveauté. Si le génie n’est pas sollicité et prisé, le travailleur devient au bout du compte un robot. Il est donc déplorable de se rendre compte du déclin de la devise mens molem agitat dans les universités de notre pays qui forment des jeunes à l’art du verbiage au détriment du concret.
Abordant la deuxième partie, le conférencier affirme d’emblée que pour promouvoir l’homme et tout l’homme, le travail et tous ses protagonistes ne sauraient exclure la dimension spirituelle de la réalité et mieux encore du travailleur. Toute réduction tacite ou explicite du travail à son horizontalité, quels que soient les résultats mirobolants qu’il puisse produire, se révèlera en dernière instance aliénante pour l’homme. Car, la négation de la dimension métaphysique de la matière et l’éclipse de la dimension religieuse du travailleur sont les pesanteurs les plus lourdes pour empêcher une promotion humaine véritable.
Mais, s’interroge le Père KINHOUN, Dieu est-il pour autant une panacée ? Quand l’ouverture métaphysique devient béate et que l’on finit malheureusement par voir Dieu partout et en tout, il se crée un aveuglement de l’esprit. Tout cela est dû à une pathologie précise de la religion : la croyance/la foi sans la raison, précise le conférencier qui attire l’attention de l’auditoire sur le fait que si sans Dieu, l’homme est moins qu’un vers de terre, trop de Dieu tue l’homme. Dans ce sens, il affirme que l’une des causes du mal de développement de nos peuples est malheureusement la religiosité irresponsable.
Enfin, dans la dernière partie, l’exposant a exhorté l’assistance au repos et à la conscience qui fait chercher le travail et non l’argent.
Cet exposé a fait suite aux débats au cours desquels plusieurs préoccupations furent relevées. Dans une démarche pédagogique basée sur des exemples concrets, le conférencier a répondu à l’ensemble des sujets évoqués. La séance s’est achevée par l’annonce de la prochaine conférence prévue pour le 21 mars 2019.