COLLOQUE SOUS-REGIONAL – 2006
THÈMELA SOCIETE CIVILE, LES FORCES DE L’ORDRE ET DE DEFENSE : BATIR ENSEMBLE LA PAIX SOCIALE EST POSSIBLE
I - État de la question
Faisons d’abord une mise au point : la terminologie « forces de l’ordre » est moins restreinte que le mot « militaire ». J’inclus dans cette terminologie tous les hommes en tenues (les militaires, les gendarmes, les policiers et même les douaniers) qui sont soumis à une discipline fortement hiérarchisée pour la bonne gestion de la paix sociale. Pendant le temps de la révolution au Bénin, le gouvernement militaire révolutionnaire et son parti unique, pour mieux contrôler « les hommes en tenues », avaient de façon unilatérale intégré sous le vocable de « Forces de défense nationale » toutes les forces de l’ordre, corps confondus. On les appelait vulgairement sans distinction les « hommes en treillis ».
Avec l’avènement de la démocratie en Afrique, il y a eu comme un ras-le-bol de voir les « hommes en uniformes » tenir les rennes du pouvoir. La tendance générale fut de croire qu’en les ramenant dans leurs différentes casernes, les problèmes et crises sociaux vécus en Afrique disparaîtront subitement. Les questions humaines sont généralement plus profondes et ne sauraient être restreintes.
Depuis l’avènement du processus démocratique en Afrique, les forces de l’ordre n’ont jamais été absentes du paysage politique et social, elles ne se sont jamais retirées dans les casernes. Soit, elles se réfugient dans les coulisses pour continuer à mieux tirer les ficelles en abritant sous son parapluie le président civil élu ; soit, c’est un des leurs qui se dépouille de son uniforme pour maintenir démocratiquement les forces de l’ordre au pouvoir. Les exemples en Afrique sont nombreux … Inutile donc de se perdre ici dans les exemples.
La participation de tout le peuple à la chose démocratique exige que nul ne soit exclu, selon son état social et sa fonction sociétale, de son devoir citoyen. Décentraliser pour une meilleure participation sociale concerne tout le peuple. S’il est plus facile au peuple appartenant à la société civile de rentrer aisément mais non sans difficultés dans la perspective sociale décentralisée, il est moins aisé au peuple portant la dénomination de « forces de l’ordre » de parler de décentralisation dans une structure fortement hiérarchisée et dont le principe focal de discipline est : « Obéissance avant réclamation ». En un mot voici l’aporie : l’ordre imposée par la discipline hiérarchisée n’est-elle en porte-à-faux avec l’ordre préconisé par la décentralisation ?
La forte tendance au retour des forces de l’ordre au pouvoir depuis au moins cinq ans résulte-t-elle de l’incapacité de la société civile à gérer le social ? Ou bien est-elle sentiments d’humiliation et aussi de perte d’avantages et de facilités sociales acquises pendant les temps fastes des coups d’État et de l’armée au pouvoir ?
II - Sous Thèmes
1. QUI DÉSIGNE-T-ON QUAND ON PARLE DE SOCIÉTÉ CIVILE ?
Le terme société civile est un composé, et pourquoi pas un composite, d’une multitude de personnes ayant des aspirations et des vocations diverses. De cet ensemble désignant la totalité sociale, les forces de l’ordre ont été comme artificiellement séparées pour devenir une entité partielle détenant la puissance du feu face à une entité totale dispersée par moult tendances. (Professeur Magloire KUAKUVI, Philosophe - Togo)
2. DU RÔLE DES FORCES DE L’ORDRE DANS UN ÉTAT DE DROIT.
Il s’agit de montrer que les forces de l’ordre sont au service des institutions républicaines et non au service en place et des intérêts des politiques qui sont souvent contraires aux règles de l’État de droit. (M. Kassoum KAMBOU, Magistrat MBDHP - Burkina Faso)
3. DU POUVOIR DES MOTS ET DU POUVOIR DE LA FORCE ARMÉE : LEUR INTERCONNEXION ET LEURS LIMITES RESPECTIVES.
Les négociations de paix prennent beaucoup de temps et nécessitent beaucoup de patience. Certains estiment qu’il y a trop de paroles, de tergiversations et d’argent pour des résultats insignifiants. Seul le pouvoir dissuasif de l’armée peut régler manu militari les désaccords et d’une main de fer, soumettre les irréductibles. (M. Michel AMEKE, officier de Police à la retraite – Togo)
4. LES MILITAIRES ASSIS ENTRE DEUX CHAISES : ENTRE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET L’ARMÉE.
Le paradoxe, c’est que le militaire est une personne issue de la société civile qui fait le choix de l’armée pour défendre le peuple. Il prend ensuite une épouse dans la société civile et donne une postérité qui est automatiquement membre de la société civile. Est-il donc vrai que le militaire se sente plus militaire que civile. Quel est son état d’esprit réel quand il exécute des tâches militaires devant rudement pénaliser le civil ? (Général Félix HESSOU, Chef du Cabinet du Ministre de la Défense Nationale - Bénin)
5. DIVERGENCES, VOIRE CONFLITS AU SEIN DES FORCES DE L’ORDRE : L’ARBITRAGE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE EST-ELLE POSSIBLE ?
Il arrive bien souvent que pour des raisons de régionalisme, d’avantages, de primes et de solde, des mutineries éclatent dans les camps. Il s’en suit des violences inouïes entre militaires ou entre forces de l’ordre. La paupérisation accélérée des forces de l’ordre ne vient pas pour apaiser les tensions. La société civile, a-t-elle son mot à dire pour ramener l’ordre et la discipline, la justice et la paix au sein de l’armée ? (Le Contrôleur général de Police Eugène BOYA, Directeur Général Adjoint de la Police Nationale - Bénin)
6. FORCES DE L’ORDRE ET LE MAINTIEN DE L’ORDRE ET DE LA SÉCURITÉ À L’OCCASION DES MANIFESTATIONS PUBLIQUES DE LA SOCIÉTÉ CIVILE.
Canaliser les foules n’est pas facile surtout quand celle-ci est surchauffée, passionnée ; quand certains à cause de leur état de santé ou de la trop grande chaleur pourraient perdre connaissance ; et quand aussi il se trouve au milieu d’elle des fauteurs de troubles, voire des casseurs difficilement repérables. Les forces de l’ordre ont la très délicate mission de gérer des situations qui touchent à leur image propre. (Thomas DAKOURÉ, Directeur Général de la Police Nationale - Burkina Faso)
7. DES EXACTIONS DES FORCES DE L’ORDRE : L’OBÉISSANCE AVANT RÉCLAMATION N’A-T-ELLE PAS DES LIMITES ?
Le principe de l’ordre et de l’obéissance caractérise les forces de l’ordre. L’expression des opinions et avis passe au deuxième plan pour laisser place à l’efficacité préconisée par les stratèges. Tout en faisant l’homme fort, insensible et impassible, l’exécutant (soldat ou policier…) n’est pas moins soumis à des états d’âme violents allant contre sa conscience et ses convictions personnelles. Quels sont les recours sociaux et aussi juridiques de l’exécutant ? (M. Alex WILSON – Assureur - Togo)
8. LA DICTATURE, C’EST FERME TA GUEULE ET LA DÉMOCRATIE, C’EST CAUSE TOUJOURS, D’APRÈS WOODY ALLEN.
Dans les deux cas de figure, les forces de l’ordre sont la cheville ouvrière du maintien d’une situation qu’on sait injuste. La société civile prise dans l’un ou l’autre des cas est inefficace parce que son esprit créateur est paralysé par la peur ou inhibé par le laisser-aller généralisé. (Abbé Alain DOSSEH, Professeur d’Éthique sociale - Bénin)
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