Le cinquième thème de la série des conférences sociales mensuelles prévues par l’Institut des Artisans de Justice et de Paix / Chant d’Oiseau (IAJP/CO) en cette année 2021, est intitulé : « Le respect des Droits de l’Homme dans le monde carcéral béninois ». Tenue dans les locaux du Chant d’Oiseau le 27 mai 2021, cette conférence a été animée par Dr. Akouavi Inès Laurenda HADONOU-TOFFOUN, Enseignante-Chercheure à la faculté de Droit de l’Université de Parakou et Directrice des Droits Humains et de l’Enfance au Ministère de la Justice et de la Législation. La modération des échanges a été assurée par Monsieur Eric Cocou AHOUANDJINOU.

L’objectif général de cette cinquième conférence sociale, tel que les termes de référence (TDR) le précisent, était de faire comprendre au public présent que les prisons sont, dans la société, non seulement des lieux pénitentiaires pour purger les peines mais aussi en principe des lieux pour apprendre à nouveau à se discipliner pour le vivre ensemble. Ainsi, lit-on dans les TDR, humaniser nos prisons, c’est offrir des garanties d’une possible réintégration sociale à des délinquants.
A l’entame de la conférence, Madame HADONOU-TOFFOUN, à travers le récit d’une anecdote d’un jeune garçon dont la réinsertion sociale a été un échec après son séjour carcéral, a montré l’urgence de débattre de ce sujet, pour une meilleure prise en charge de cette réalité de la société béninoise. Malgré les nombreux textes à l’échelle internationale qui organisent les conditions de détention dans le respect de la dignité de l’homme à l’instar de la Charte des Nations Unies de 1945 et de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, force est de constater que dans les Etats comme le Bénin où les textes nationaux également organisent la vie carcérale, les atteintes aux droits humains sont courantes. En effet, la vie carcérale a, pendant longtemps, été dominée exclusivement par les préoccupations de sécurité et par l’idée que les conditions de détention doivent être nécessairement pénibles pour amener le condamné au repentir. Certes, le caractère pénible de la peine ne doit pas disparaître, mais il ne doit pas prédominer jusqu’au point de compromettre le but de la réadaptation sociale qui est également poursuivi. Ainsi, le but de l’incarcération est non seulement de protéger le corps social contre les actes de délinquance mais aussi de protéger le condamné dans le respect de ses droits. Pour atteindre cette fin, il faudra agir de sorte que l’incarcération n’affecte pas tous les droits, mais seulement certains droits entre autres : le droit à la liberté, à la vie privée, la liberté de mouvement, liberté d’association. Les autres droits, universellement reconnus à l’être humain, comme le droit à la vie, au respect de son intégrité physique, à la liberté d’opinion, le droit de religion, à l’application équitable de la loi, etc., ne prennent pas fin avec la détention.
Dans son analyse, la communicatrice a montré que sur le plan international comme national, des normes sont édictées pour faire respecter les différents droits des personnes incarcérées. Plus précisément dans le cadre national, la constitution du 11 décembre 1990, modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la constitution en République du Bénin en ces articles 7 à 40, contient des dispositions garantissant les droits fondamentaux de tout individu. En effet, elle énonce le principe de l’inviolabilité de la personne humaine et de sa sacralité et interdit toutes les formes de détentions arbitraires.Mais, à ces principales dispositions, s’ajoutent le code pénal, le code de procédure pénale, le code de l’enfant ainsi que l’ensemble des décrets, arrêtés et textes réglementaires qui régissent les Etablissements Pénitentiaires (E.P.) au Bénin. Ces droits qui ont pour nom entre autres, droit de correspondance, droit de téléphoner, droit de maintenir un lien avec ses proches, droit de visite, droit d’assister à des événements familiaux, droit de mise en liberté pour des raisons médicales, droit à l’hygiène, à l’alimentation, aux soins de santé, droit à l’éducation, à la culture et aux loisirs, droit au travail, droit de vote, liberté religieuse, sont pour la plupart ignorés et ne sont pas revendiqués par les détenus. Il se pose alors un véritable problème de vulgarisation des droits à ce niveau. Aussi a-t-elle souligné qu’en cas d’atteinte aux droits des détenus, la victime peut saisir le juge d’instruction, le juge de l’application des peines et de la détention. Elle peut également saisir par requête la Cour Constitutionnelle ou la Commission Béninoise des Droits de l’Homme.
Par ailleurs, Dr. HADONOU-TOFFOUN n’a pas manqué d’évoquer les conditions difficiles d’incarcération au Bénin à savoir : la surpopulation, le manque d’hygiène, d’eau potable, de nourriture et de soins médicaux adéquats aux détenus. Mais face à ces difficultés, une amélioration progressive et continue des conditions de vie est à noter avec la création de l’Agence Pénitentiaire du Bénin en 2017, une administration crédible et autonome dotée d’un système informatisé de gestion des EP, qui permet de faire un suivi régulier de la situation des détenus. Il est à noter également la mise en place des commissions de surveillance qui se réunissent au moins deux fois par an pour sortir une liste des personnes pouvant bénéficier de libérations conditionnelles afin de désengorger nos EP. On note aussi la création des ateliers de formations et des ateliers d’apprentissage de toutes sortes de métiers artisanaux pour permettre une réinsertion sociale des détenus afin de se rendre utiles à la société. Enfin, il y a la création d’un service d’assistance psychologique pilote pour prodiguer des soins de santé mentale aux prisonniers de la prison de Cotonou, le premier d’une série de plusieurs prévus dans d’autres prisons du Bénin.
Bien des défis restent cependant à relever pour humaniser davantage le monde carcéral et travailler au relèvement des pensionnaires des prisons et chacun peut jouer un rôle, a-t-elle lancé comme plaidoyer au public présent à cette conférence.
Au terme de la communication, les échanges ont permis aux uns et aux autres d’apporter des contributions et de poser des questions pour une meilleure compréhension du thème. Après avoir mis en exergue l’importance de cette conférence dans l’état des lieux sur la situation de nos prisons et maisons d’arrêt, le père Directeur, l’abbé Colbert GOUDJINOU, a relevé comment cette conférence peut susciter de nouvelles vocations dans l’attention et les gestes d’humanité accrus à l’endroit nos frères en contexte carcéral. Leur expérience fait appel au principe de l’option préférentielle pour les pauvres dans la pensée sociale de l’Eglise. Quelle que soit l’expérience de l’abîme du mal, une personne humaine en demeure une. Et les possibilités d’un meilleur traitement et d’une réinsertion sociale sont toujours à envisager, car la conversion est possible. Il a exprimé également notre gratitude au modérateur et à la conférencière et a conclu la séance par la prière. La prochaine conférence est prévue pour le 24 juin 2021.