L’Institut des Artisans de Justice et de Paix / Chant d’Oiseau (IAJP/CO), dans le cadre de sa conférence sociale mensuelle du 22 avril 2021, s’est intéressé à un phénomène sociale total : les vidomegon. Il s’agit d’une réflexion sur la promotion humaine. En effet, comment pouvons-nous traiter des questions de Droits de l’Homme si nous occultons celles liées à la promotion humaine ? Cette promotion humaine, ne commence-t-elle pas déjà dans nos ménages et dans nos foyers ? C’est là tout l’intérêt de débattre d’un sujet apparemment banal, mais de très haute importance pour le bien-être de la famille et donc de la société. Ce sujet est formulé ainsi que suit : « Amélioration de la situation des vidomègon, un challenge de la société béninoise ». Et pour animer cette conférence, le public a eu droit à une personne ressource d’expérience, Madame Claire HOUNGAN AYEMONNA, Présidente de la Fondation Regard d’Amour, Magistrat à la retraite et Ancienne Ministre de la Famille. La modération des échanges a été assurée par Monsieur Franck AHOUADI, Formateur et Expert en gestion des projets et développement local.

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Abordant la communication, Madame AYEMONNA fait observer qu’au Bénin comme dans la plupart des Etats, il existe une série de lois protégeant les enfants et garantissant leurs droits. En effet, depuis les Conventions, les Chartes jusqu’aux divers documents de politiques et programmes relatifs à la protection de l’enfant, en passant par la Constitution qui, en son article 26 nouveau alinéa 3, dispose que « l’Etat protège la famille, particulièrement la mère et l’enfant », l’arsenal juridique et politique existe mais la réalité vécue n’est pas satisfaisante. Bien au contraire, elle est inquiétante.

Pour la conférencière, paradoxalement, malgré tout le dispositif législatif adopté et les mesures mises en place, nous continuons d’assister presque impuissants au placement sans précaution des enfants de moins de quinze ans appelés « vidomègon », qui sont des enfants non scolarisés ou déscolarisés, utilisés dans des ateliers en violation du code du travail, ou déambulant à longueur de journée sous le soleil, parfois sous la pluie, dans les marchés, sur les trottoirs ou autres lieux publics avec des marchandises sur la tête. Cette situation ne cesse d’interpeler tout défenseur des droits humains ou toute structure religieuse ou laïque, soucieuse du bien-être de l’enfant.

Mais à la base, le terme vidomègon est un une expression de la langue fon qui peut ainsi se décomposer : vi (enfant), do (qui), mè (quelqu’un), gon (chez). Littéralement donc, cela signifie l’enfant qui est chez quelqu’un qui n’est pas son père ou sa mère. En d’autres termes, c’est l’enfant placé chez une tierce personne. Cependant, traditionnellement, le placement d’enfants était une mesure de solidarité instituée en faveur des enfants non dociles avec les parents ou de parents démunis ne pouvant pas les scolariser ou encore de parents ayant relativement les moyens, avec la volonté de donner une bonne éducation à l’enfant mais résidant loin des centres de formation et d’apprentissage. Dans ce cas, ils sollicitaient le placement de leur enfant auprès de parents ou d’amis.

A l’opposé de cette pratique ayant permis d’enregistrer de bons résultats, il y a des placements à vocation utilitariste ; des enfants placés aux fins de travail et mal traités. Le placement est ici effectué non pas dans l’intérêt de l’enfant, mais dans celui des parents qui pensent en tirer un avantage financier et des tuteurs qui sont dans le besoin d’une main d’œuvre non qualifiée et très bon marché. Vivant dans ces conditions, ces enfants (vidomègon) sont exploités au mépris des droits élémentaires qui leur sont reconnus par les textes en vigueur. Au titre de ces droits, Madame AYEMONNA a mentionné :

  • le droit à la vie et à la survie qui interdit, a priori, l’interruption volontaire des grossesses qui doivent être médicalement suivies depuis la conception jusqu’à l’accouchement ;
  • le droit à l’enregistrement gratuit de la naissance de tout enfant dans le délai légal de 21 jours ;
  • le droit à une identité, à une filiation, à une nationalité ;
  • le droit de grandir avec ses parents ;
  • le droit à une alimentation bonne et suffisante ;
  • le droit aux soins de santé ;
  • le droit à l’éducation de base obligatoire et à la formation professionnelle après 14 ans ;
  • le droit à la protection sociale.

A l’analyse, si la société est arrivée à ce niveau de traitement de ces enfants, il faut reconnaître que l’obligation de leur protection incombe avant tout à l’Etat. Mais au-delà, ce sont toutes les composantes de la société béninoise qui sont responsables de la persistance du phénomène des vidomègon et de la non amélioration de leur situation. Les responsabilités, précise la conférencière, sont partagées entre l’Etat, les collectivités territoriales, les parents et la communauté.

Et même si des efforts sont faits par les gouvernements successifs ainsi que par des associations pour lutter contre la traite et l’exploitation des enfants, la question de la situation des enfants placés demeure une préoccupation nationale, quels que soient le lieu et le motif du placement. Il se pose moins un problème de pauvreté que celui de la dignité de la personne humaine car ceux qui maltraitent les vidomègon ont globalement de l’égard pour leurs propres enfants. Ils les traitent beaucoup mieux. On peut alors y voir une option à agir comme ils le font. C’est de ce point de vue que toute la problématique revient à la considération de la dignité de la personne humaine. Ce challenge est de notre portée et c’est toute la société béninoise qui est interpellée, conclura Madame AYEMONNA.

Au terme de l’exposé, il y a eu de fructueux échanges mêlés de questions, commentaires, apports et réponses. La séance a été conclue par le mot de remerciement et la prière conduite par le Père Colbert GOUDJINOU, Directeur de l’IAJP/CO. La prochaine conférence est prévue pour le 27 mai 2021.

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