Sujet annuel de réflexion : « L’ENGAGEMENT CITOYEN EN CONTEXTE DEMOCRATIQUE »
Thème : « De la foi à l’engagement social, un défi de cohérence »
Date et Lieu : Samedi 05 décembre 2020 au Chant d’Oiseau, Cotonou
1. Argumentaire
« Montre-moi ta foi qui n’agit pas, moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai ma foi. » (Jc 2, 18). Si la foi demeure une question à lier aux convictions personnelles dans la société laïque, sa pertinence doit se remarquer dans sa capacité à faire faire un lien qualitatif réel au vivre-ensemble.
Mais en revanche, promouvoir l’athéisme, parce que l’on taxerait la religion « d’opium du peuple », c’est méconnaître une dimension inhérente à toute vie. Là où aucune place n’est faite à la Transcendance, l’on finit par faire du tort à soi-même par son enfermement dans son auto-référentialité. Benoît XVI est clair à ce propos :
Quand l’Etat promeut, enseigne ou impose, des formes d’athéisme pratique, il soustrait à ses citoyens la force morale et spirituelle indispensable pour s’engager en faveur du développement humain intégral et il les empêche d’avancer avec un dynamisme renouvelé dans leur engagement pour donner une réponse humaine plus généreuse à l’amour de Dieu[1].
De façon spéciale, au terme d’une année où nous avons réfléchi sur l’engagement citoyen dans une perspective qui rend conscient du fait que tout est lié, l’occasion est belle de savoir s’arrêter pour réfléchir sur l’apport attendu de la foi pour un meilleur engagement social. Car une foi authentique ne saurait rester indifférente devant des spectacles où la vie de l’homme ou le vivre-ensemble souffre.
Si tu aimes Dieu, c’est dans ton engagement au travail que cela peut s’exprimer aussi en vérité. Paul Valadier insinue bien l’apport de la religion quand il exprime que : « l’avenir n’a nulle garantie de paix et de stabilité sous prétexte de l’affaiblissement ou de la disparition de la religion »[2]. C’est également en quelque sorte contradictoire d’être homme de foi et paresseux, car la vérité de la foi se perçoit dans la sincérité de l’engagement. On ne saurait concevoir une authentique éthique religieuse qui ne promeuve pas les valeurs d’une bonne implication sociale. A la lumière de ce qui précède, on comprend aussi que les fondamentalismes ou extrémismes religieux sous toutes leurs formes témoignent d’un grand éloignement de l’idée même de Dieu. En prendre conscience peut donner à tous les lieux où s’expriment la foi chez nous une valeur ajoutée en termes d’opportunité d’ouverture à un meilleur engagement en faveur de l’homme. Mais qu’en est-il en réalité ? Où passe l’enthousiasme de la foi que l’on exprime assez souvent dans les différentes assemblées de prière pour que, sitôt que l’on rejoint le comptoir de ses tâches d’homme, l’on soit parfois si indifférent et même si méprisant envers l’autre ? Comment se fait-il que la joie du culte dans nos églises, dans nos mosquées, dans nos temples, dans nos synagogues, etc. se mue si facilement en un accueil de l’autre parfois si peu fraternel ? De la foi à la vérité de l’engagement social se pose aujourd’hui un véritable défi de cohérence que nous sommes appelés à affronter rationnellement. La foi qui joue son rôle n’est-elle pas ferment de transformation sociale dans la manière dont le sentir de la foi nous pousse à vivre d’une compassion agissante par notre engagement ?
2. Thématiques pour le symposium annuel de 2020
Deux communications et un panel nous donnent l’occasion d’approfondir la thématique.
- Communication 1 : L’engagement citoyen, paroles et actions en faveur du bien commun
Axes de recherche proposés : La fibre citoyenne qui vibre en nous n’est pas un vain mot, si par-delà l’état des lieux que l’on est généralement habile à faire, chacun se met réellement en jeu par une véritable participation à la vie citoyenne. Une telle participation est intelligente et opérante quand elle se fonde sur une présence à soi et une réflexion-action pour transformer qualitativement la réalité sociale. Quand on aime sa nation, ce sont les paroles et les actions en sa faveur qui en témoignent. Aucun sacrifice ne semble de trop pour offrir la meilleure contribution possible au bien commun qui, pour reprendre les mots de Jacques Maritain, englobe : « la somme des avantages et des services publics que l’organisation de la vie commune propose, tels qu’un sain régime fiscal, une force militaire suffisamment puissante, l’ensemble des justes lois, des bonnes coutumes et des sages institutions qui donnent sa structure à la société politique, l’héritage de ses grands souvenirs historiques, de ses symboles et de ses gloires, de ses traditions vivantes et de ses trésors de culture »[3]. Tracer les voies pratiques de l’engagement citoyen en faveur du bien commun, tel est la visée de cette communication.
- Communication 2 : La foi, chemin d’humanité ?
Axes de recherche proposés : La foi (fides), étymologiquement, signifie le lien à la transcendance et au Transcendant. La relation à la transcendance ouvre à un au-delà de nous-même au point de rendre notre humanité plus à même de mieux s’assumer. Si la réalité qui est supposée nous porter au-delà de nous-même ne nous humanisait pas davantage, elle manquerait à sa mission. Pour la foi judéo-chrétienne que nous connaissons et expérimentons par exemple, l’ouverture à la foi nous confère un surcroît d’humanité et nous dispose à vivre une authentique compassion envers chaque personne humaine en difficulté. Au regard des multiples situations qui interpellent notre humanité dans un Bénin où les églises ou temples de diverses obédiences courent nos rues et quartiers de villes ou villages, à quelle humanité nous rend sensible la foi ? Nous humanise-t-elle davantage devant tant de situations où un geste fraternel et humain a besoin d’être posé ? N’a-t-on pas besoin d’éveiller davantage à la dimension humaine de prise en charge à laquelle doit induire une foi vécue en vérité ? L’engagement social n’en serait-il pas qualitativement impacté ?
- Panel : Sommes-nous vraiment citoyens ?
Axes de recherche proposés : Laissons-nous provoquer par la pensée de Henri Hude dans L’éthique des décideurs : « Décider de devenir citoyen, c’est rejeter une fois pour toutes le défaitisme sous toutes ses formes. S’engager, c’est forcément accepter de lutter et de souffrir, dans une situation d’ensemble qu’on assume sans l’avoir choisie et sur laquelle on va arrêter de gémir »[4]. Sans angélisme, mais avec réalisme, trois acteurs sociaux, avec lucidité et portés par l’espérance de leur foi échangeront sur les enjeux de la citoyenneté aujourd’hui au Bénin ? Le civisme, la civilité et la prise en compte du bien commun en esprit de solidarité sont-ils notre fort ? Comment y arriver ?
Cotonou, le 14 octobre 2020
Abbé Colbert GOUDJINOU
Directeur de l’I.A.J.P. / C.O.
Pour approfondir les recherches sur le présent atelier, voir les documents ci-dessous :
- TDR
- Programme
- Mot d’accueil du Directeur de l’IAJP/CO
- Discours d’ouverture
- Communication 1 : L’engagement citoyen, paroles et actions en faveur du bien commun », par Dr Jacques AGUIA DAHO, Sociologue, Enseignant-Chercheur, Maître assistant / CAMES
- Communication 2 : « La foi, chemin d’humanité ? », par Père Grégoire GAINSI, Théologien et Formateur au Grand Séminaire Saint Paul de Djimè
- Panéliste 1 : « Sommes-nous vraiment citoyens ? », par Me Huguette BOKPE GNACADJA, Avocate
- Panéliste 2 : « Sommes-nous vraiment citoyens ? », par M. Martin ASSOGBA, Président ONG ALCRER
- Panéliste 3 : « Sommes-nous vraiment citoyens ? », par M. Martial AGBIDINOUKOUN, Observateur de la vie sociale béninoise
- Rapport final du symposium
[1] BENOÎT XVI, Homélie pour la messe sur l’Islinger Feld de Ratisbonne, 12 septembre 2006 ; DC 103, 2006, 921-923.
[2] VALADIER, P., Détresse du politique, force du religieux. Editions du Seuil, Paris 2005, 75.
[3] MARITAIN J.,L’homme et l’Etat, Edition Desclée de Brouwer, Paris 2000, 30.
[4] HUDE H., L’éthique des décideurs, Edition Economica, Paris 2013, 27.