L’avant dernière conférence sociale mensuelle de l’Institut des Artisans de Justice et de Paix / Chant d’Oiseau (IAJP/CO) a eu lieu le jeudi 08 octobre 2020. Elle a porté sur le thème : « Le mouvement syndical : entre combat pour le sens et instrumentalisation politique ». Pour la circonstance, les échanges ont été organisés sous forme de panel ayant réuni Monsieur Pascal TODJINOU (Ancien Secrétaire Général de la CGTB, Acteur de la Société Civile) et Monsieur José GANDAHO (Journaliste / Entrepreneur). La problématique de cette conférence est ici précisée par un extrait de l’argumentaire de la présente thématique.
L’un des indicateurs du bon fonctionnement de l’expérience démocratique est la capacité pour les employés de différents secteurs de se constituer en association pour revendiquer leurs légitimes droits. Ils se constituent donc en « syndicats » et leur existence est justifiée dans la mesure où ils assument leurs devoirs pour en espérer légitimement des droits. Mais, dans un contexte où le dialogue social est continuellement exposé à de nombreuses interférences d’ordre politique, l’on peut s’interroger sur les perspectives de l’action syndicale. Sommes-nous en présence de combats pour le sens dans le corps de métier qui est le nôtre et dans lequel l’on a droit à un salaire digne ? Ne devenons-nous pas parfois, comme syndicats, des instruments aux mains ou à la solde des politiques ? Comment faire retrouver ses lettres de noblesse au combat syndical ?
C’est à partir de ces réflexions de base que les deux conférenciers sont intervenus. Pour Monsieur TODJINOU, le syndicat est une union de personnes en corporation de travail organisées en vue de défendre leurs intérêts matériels et moraux. Leur rôle est donc de mener des actions ou combats dans le cadre de la défense des intérêts du plus grand nombre. Il apparaît ainsi que l’action syndicale est un sacerdoce, d’autant plus qu’elle est altruiste, volontaire et débarrassée de toute considération politique, religieuse ou ethnique. En définitive, si le combat des acteurs est mené dans le respect des lignes purement syndicales ou dans l’orthodoxie syndicale pour défendre et obtenir des avantages aux militants travailleurs, alors on peut estimer que c’est un combat pour le sens humain et humanitaire, conclut Monsieur TODJINOU. Toutefois, précise-t-il, peuvent arriver des déboires aux initiateurs des mouvements syndicaux conduisant à des déceptions généralement liés aux stratégies organisationnelles.
Abordant la question des organisations syndicales agissant à la solde des politiques, l’exposant a été catégorique en répondant non, en ce qui concerne la CGTB spécifiquement. Il reconnaît tout de même que les tentatives des politiciens pour enrôler les centrales syndicales existent. Il appartient à chaque organisation de prendre les dispositions pour rester fidèle à sa ligne directrice.
Pour Monsieur GANDAHO, le mouvement syndical vise à unifier au sein de groupes sociaux appelés syndicats, des professionnels pour défendre des intérêts collectifs. Mais l’apparition ou la prolifération de « grèves sauvages » qui durent jusqu’à la perte de sens et de vies humaines a obligé et oblige à revoir les idées reçues sur le mouvement syndical. Aussi s’interroge-t-il s’il y a une opposition entre le sens convenu du mouvement syndical et les évolutions ultérieures qui peuvent être perçues comme des manipulations politiques. N’est-on pas face à l’évolution logique d’un mouvement social ?
Si le mouvement syndical vise à unifier au sein de groupes sociaux, des professionnels pour défendre des intérêts collectifs, dans son évolution en tant que mouvement social interagissant avec d’autres réalités sociales voire économiques et politiques, il n’est pas évident qu’il garde une prétendue pureté originelle sans subir des influences exogènes. C’est ainsi que nombre d’auteurs ont intégré le mouvement syndical dans la théorie économique de l’époque du 19è siècle, en montrant que les travailleurs organisés influent sur l’équilibre de l’offre et de la demande et que loin de perturber l’harmonie économique universelle, le facteur syndical constitue un paramètre dont il faut tenir compte. Ainsi, suivant ces réflexions, les syndicats sont censés devenir artisans, voire le régulateur de la démocratie industrielle. La question qu’il convient de se poser est de savoir si le phénomène syndical au Bénin échappe aux critères d’analyse scientifique qui servent pour son étude sous d’autres cieux ?
On retiendra des réflexions de Monsieur GANDAHO que le facteur syndical constitue un paramètre dont il faut tenir compte et l’expression « en tenir compte » suppose la gouvernance adéquate pour éviter que ce facteur n’influe pas de façon négative sur l’économie et par ricochet sur la qualité de vie du travailleur, sur la famille et sur la société. La gouvernance n’est pas unilatérale ; elle doit être requise autant de l’employeur que des dirigeants syndicaux. De fait, l’employeur doit tenir compte du facteur syndical et les travailleurs se doivent de le faire aussi car ayant, avec leur mouvement, une arme puissante qui peut hélas se retourner contre eux.
Pour ainsi dire, selon Monsieur GANDAHO, ce qu’on peut appeler « manipulation politique » est généralement admise, mais de façon circonstancielle et selon la posture du moment de celui qui apprécie.
L’autre question abordée est celle de savoir comment faire retrouver les lettres de noblesse du combat syndical ? Sans détour, pour Monsieur TODJINOU, il serait utile de choisir :
- des femmes et des hommes conscients des enjeux que représentent les préoccupations des travailleurs et à travers eux des populations ;
- comme dirigeants syndicaux des femmes et des hommes capables de transcender le matériel, le concubinage et l’opportunisme afin d’éviter d’utiliser cet instrument au service du public pour leurs propres intérêts ;
- comme leaders des mouvements syndicaux des hommes et des femmes d’un certain niveau intellectuel, capables de compréhension de la chose syndicale ou de s’approprier rapidement les principes ou règles élémentaires de bonne gestion des biens de la communauté de même que du dialogue social
- des femmes et des hommes capables de dialoguer et aussi d’anticiper sur les crises sociales, en se mettant en position de règlement de conflits.
A la suite des interventions des deux conférenciers, un fructueux moment de débat a été initié avec des questions suivies de réponses et des commentaires faits par quelques participants. Il est apparu en définitive que toute la problématique de la thématique se résume au combat du mouvement syndical pour le bien-être tant des travailleurs que des personnes en général. Il s’agit davantage de « combats pour… » et non de « combats contre… ».
Avant de dire la prière de clôture, en guise de conclusion aux travaux, le Père Colbert GOUDJINOU, Directeur de l’IAJP/CO, après avoir remercié les participants, le modérateur et les conférenciers, a annoncé la prochaine conférence prévue pour le jeudi 22 octobre 2020. Elle portera sur le thème : « Nos convictions religieuses au service de l’engagement citoyen : foi et engagement au service de la société ». Elle sera animée par le Père Pamphile DJOKPE, Théologien et Directeur Adjoint de l’IAJP/CO.