La conférence du jeudi 20 février 2020 a porté sur le thème : « Restaurer les valeurs patriotiques : comment ? ». Elle a été assurée par le professeur Hygin KAKAI, agrégé de Science politique et Vice-doyen de la Faculté de Droit et de Science politique à l’Université d’Abomey-Calavi. En voici le compte rendu présenté par le modérateur, Monsieur Romain BOKO.
Le conférencier a abordé la thématique en soulignant que pour réfléchir sur « comment » restaurer les valeurs patriotiques, ce qui appelle à la méthode, il faut d’abord chercher à comprendre « pourquoi » restaurer ces valeurs, ce qui appelle à la raison.
Monsieur KAKAI a ensuite clarifié les concepts de patrie et de patriotisme. Pour lui, la patrie est comme une entité cosmique au sein de laquelle le citoyen réalise son idéal démocratique, sa participation politique et son idéal républicain. Elle n’est rien d’autre que le pays où l’on est né, la nation dont on fait partie ou encore la communauté politique dont on est membre en tant que citoyen. Quant au patriotisme, c’est l’attachement affectif et durable à une patrie, ce qui sous-entend un amour propre pour la communauté politique. Ce cosmos politique qu’est la patrie peut s’apparenter à un réel ou à un mythe suivant notre niveau d’engagement civique ou politique.
Après ces clarifications conceptuelles, le conférencier a présenté quelques raisons pour lesquelles il y a besoin, voire urgence de restaurer les valeurs patriotiques. Certains comportements sociaux amènent en effet à se poser bien des questions sur l’élan de citoyenneté dans la cité :
- le citoyen ou même le militaire qui ne salue plus le drapeau
- le citoyen qui est fier d’appartenir à son ethnie et qui désapprouve sa communauté nationale
- l’acteur politique dont la parole a perdu presque toute crédibilité
- l’usager de la route qui s’évertue à injurier continuellement les autres usagers, etc.
Selon le conférencier, il s’agit manifestement d’une perte du sens des valeurs ou d’un recul dans la pratique de la vertu éclairée par les valeurs. Il a alors conclu qu’il faut restaurer les valeurs patriotiques parce que la postmodernité fait de l’homme « citoyen pluriel » et, dans son « être pluriel », le citoyen relativise la raison, au gré de ses sentiments et de ses émotions.
Le communicateur a abordé une troisième partie sur comment restaurer les valeurs patriotiques. Pour travailler à cette restauration, il faut :
- re-définir le type de citoyen ou de patriote que nous voulons ;
- instaurer et rendre effective une éducation à la citoyenneté ;
- réformer l’école pour qu’elle soit formatrice de citoyen ;
- réformer les partis politiques pour qu’ils soient des constructeurs du militant ;
- redorer le blason de la famille pour qu’elle soit porteuse de valeurs socialisatrices ;
- penser des politiques publiques réductrices de la pauvreté ; etc.
La finalité de tout ceci, pour le conférencier, est de former un citoyen capable de faire preuve d’une éthique de conviction et d’une éthique de responsabilité.
Après cette dernière partie, un débat a été ouvert avec les participants pour approfondir la thématique. De ces débats, on peut retenir, entre autres, ces points :
- le sentiment d’appartenance à une patrie est un levier important pour soutenir le patriotisme mais ce dernier est influencé par les comportements sociaux des uns et des autres et par les NTIC ;
- la postmodernité rend le citoyen pluriel et de ce fait oublie son devoir citoyen pour mieux se consacrer à lui-même, indépendamment de toute contrainte ;
- l’éducation à la citoyenneté du citoyen postmoderne ne doit pas se faire en comparaison avec le citoyen du XIXème siècle mais avec les éléments de la postmodernité ;
- la société doit être gardienne de valeurs et doit célébrer les bonnes pratiques ;
- la patrie doit garantir un environnement favorable au patriotisme.
La conférence fut clôturée par le Directeur Adjoint de l’IAJP/CO, le Père Pamphile DJOKPE qui, après avoir remercié les participants, le conférencier et le modérateur, a profité pour donner son point de vue sur la thématique. Pour lui, la patrie au Bénin est encore un immense chantier. Nous sommes en quelque sorte encore à l’âge « des pionniers » et, à ce titre, nous ne pouvons pas vraiment nous tenir comme « des héritiers » d’une nation qui soit déjà comme une mère-patrie véritable. Notre engagement doit donc aller dans le sens de l’édification de la patrie en cours pour ne pas se résoudre à des revendications bien formulées. La patrie, c’est nous tous ! Elle protégera chacun dans la mesure où tous contribueront à la faire exister réellement.